Alertes Environnementales

 

 Les chiffres alarmants de la pollution de l'air en Tunisie

«... Particules fines, ozone, soufre… En zone polluée, ces éléments surreprésentés dans l’air font encourir des risques élevés pour la santé et l’environnement. En Tunisie, les mesures de la pollution atmosphérique sont insuffisantes mais révèlent déjà de nombreux dépassements. En clair.

Entre 2004 et 2016, l’Agence nationale de la protection de l'environnement (ANPE) a enregistré près de 300 dépassements de la norme tunisienne relative aux particules fines dans la seule ville de Gabes, sans qu’aucune sanction ou mesure ne soit prise, ou que les habitants ne soient informés de ces excès.

Dans son dernier rapport, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) classait la Tunisie parmi les 10 pays africains les plus pollués, en se basant sur des données recueillies à Tunis, Sousse et Bizerte. Même si ce rapport est contesté par l'ANPE, l'agence en charge du prélèvement des données relatives à la pollution de l'air, les données relatives à la pollution atmosphérique du pays sont préoccupantes et les seuils d'alerte sont souvent dépassés.

Depuis plus de 20 ans, l’État a mis en place un réseau de surveillance de la qualité de l’air. À l’aide d’une trentaine de capteurs disséminés à travers le pays, l’ANPE recueille les informations relatives aux polluants principaux: les particules fines, l’ozone, le soufre, le dioxyde de carbone et le dioxyde d’azote, afin de limiter leurs émissions.

L’origine de chaque polluant ainsi que ses conséquences sur la santé et l’environnement sont connues et recensées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), institution créée par les Nations unies. Le rapport du 6 mai de l’ONU tirait d’ailleurs la sonnette d’alarme : la destruction de la biodiversité, en partie causée par la pollution atmosphérique, menace l’espèce humaine autant que le climat.

D’après le docteur Yves Souteyrand, représentant de l’OMS en Tunisie, les conséquences sur la santé des émissions de ces différents polluants, issus du secteur automobile ou industriel, n’ont été que récemment connues. “Ils sont responsables d’un nombre de décès extrêmement important”, commente-t-il, “des décès de différentes natures: ce sont des cancers, des pneumonies, des AVC (accidents vasculaires cérébraux), des ruptures d’anévrisme. Des maladies cardiaques en très grand nombre…"
En mai 2018, l’OMS révèle qu’à travers le monde, “9 personnes sur 10 respirent un air contenant des niveaux élevés de polluants”. Pour l’instant, la Tunisie ne réussit pas à établir des conclusions sur la qualité de l’air ambiant du pays.

UNE NORME NATIONALE PEU RESPECTÉE
L’ozone, le dioxyde de soufre, le dioxyde d’azote, le dioxyde de carbone et particulièrement les particules fines sont autant d’éléments dangereux pour la santé, pouvant causer de l’asthme, des bronchites et une diminution de la fonction pulmonaire.

En juin 2014, le ministère de la Santé tunisien a publié un rapport sur les effets néfastes de la pollution atmosphérique. Il y est indiqué que les particules fines sont considérées comme l’un des polluants les plus dangereux. Elles entraînent un taux de mortalité élevé à court ou à long terme, en favorisant le développement de maladies cardiovasculaires et respiratoires ainsi que des cancers du poumon.

Pour autant, le rapport de 2014 du ministère de la Santé affirme qu’il est difficile de déterminer, à partir des statistiques de décès, s’il y a oui ou non un effet de la pollution sur la mortalité, en particulier les décès liés à des pathologies cardiovasculaires ou respiratoires.

Les particules fines sont classées selon leur taille : les deux catégories les plus communes sont celles d’un diamètre de 10μg (PM10) et de 2,5μg (PM2,5). Plus la particule est fine, plus elle peut se loger profondément dans les poumons, ce qui augmente sa dangerosité. Le ministère de la Santé tunisien mettait en avant dans son rapport que les PM10 entraînaient des hospitalisations pour causes respiratoires et cardio-respiratoires et/ou une mortalité totale à court terme.

Les conséquences d’une exposition aux PM2,5 se mesurent à long terme : mortalité totale, mortalité cardiovasculaire et/ou cancer du poumon. Selon l’OMS, ce polluant provient des résidus de combustion. Les usines, les voitures, les kanoun (petit chauffage) et les feux de cheminée sont à l’origine de leur émission.

Même en petite quantité, le fait de respirer des particules fines impacte la santé. Face à ce constat, l’OMS a fixé la valeur recommandée à 50μg/m³ en moyenne journalière. Un seuil qui n’est que très rarement respecté en Tunisie, selon les données existantes. Malgré les recommandations de l’OMS, l’État effectue sa surveillance en ne prenant en compte que les normes tunisiennes...

UNE RÉFORME TARDIVE ET INCOMPLÈTE
Il aura fallu attendre mai 2018 pour que la norme NT106.04 soit modifiée, soit plus de vingt ans après son instauration. S’inspirant des recommandations de l’OMS, elle considère désormais les PM2,5 et calque ses valeurs limites sur celles de l’organisation. Mais ces nouveaux seuils ne seront mis en place qu’au 1er janvier 2021. D’ici là, des dépassements des seuils limites sont tolérés par l’ANPE...
Le 18 mai 2018, trois décrets gouvernementaux relatifs à la surveillance de la qualité de l’air ont été adoptés. Ils définissent les nouveaux taux, le fonctionnement et le raccordement des industries au réseau national de surveillance de la qualité de l’air, mais également les sanctions relatives aux dépassements des seuils pour les sources fixes.

La législation concernant les sources de pollution mobiles, comme les voitures et autres véhicules n’a, quant à elle, pas encore été actualisée. Les sources mobiles contribuent pourtant activement à la pollution atmosphérique...

Or, depuis la publication des décrets, aucune station de prélèvement de données n’a pour l’instant été munie d’analyseurs de particules fines de diamètre 2,5. Aussi, le décret ne prévoit pas de seuil d’alerte des PM2,5, contrairement à ce qui est prévu pour les autres polluants. Lorsque ce palier est dépassé, des mesures urgentes doivent être prises, le taux de pollution engendrant des conséquences directes sur la santé et sur l’environnement.

En outre, plusieurs mois après le vote de ces textes, il n’est toujours pas possible de prévenir la population sur les dépassements des seuils, en particulier pour les personnes à risques, comme les asthmatiques, les personnes âgées, ou encore les enfants.

À l’échelle mondiale, les pays les moins développés sont les plus exposés aux particules fines, commente le rapport du 6 mai 2019 mené par l’ONU relatif à la biodiversité. Même si les prédictions annoncent une baisse de leurs taux, ils restent deux fois supérieurs à la moyenne internationale ...» Cliquez ici

- Décret gouvernemental n° 2018-447 du 18 mai 2018, fixant les valeurs limites et les seuils d'alerte de la qualité de l'air ambiant. Cliquez ici

 

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