Diffusion Sélective de l'Information
le 30 aout 2023


 

Les défis face à un stress hydrique renforcé par le réchauffement climatique

Sommaire
1.Qu’est-ce-que le stress hydrique ?
2. Quelles sont les causes du stress hydrique?
3. Quels sont les pays les plus touchés par le stress hydrique ?
4. La Tunisie s’adapte-elle face aux risques du stress hydrique ?
5. Le stress hydrique a-t-il un impact sur l’environnement et la santé ?
6. Comment atténuer le stress hydrique ?


«... Le stress hydrique est l’une des menaces les plus graves qui pèse actuellement sur le développement durable. En raison de pluies inégales, d’un climat plus chaud et d’une quantité de CO2 dans l’atmosphère plus élevée, plus de 2 milliards de personnes n’ont pas un accès adéquat à l’un des éléments essentiels de la vie : l’eau potable. Et ce chiffre devrait augmenter de 35% d’ici 2025.
Du côté de la demande, la grande majorité (environ 70%) de l’eau douce mondiale est utilisée pour l’agriculture, tandis que le reste est réparti entre les usages industriels (19%) et domestiques (11%). Du côté de l’offre, les sources d’eau comprennent les eaux de surface (rivières, lacs, réservoirs) ainsi que les eaux souterraines, accessibles via les aquifères.
1. Définition du stress hydrique
Aussi appelé « pénurie d’eau » ou encore « rareté de l’eau » dans certains cas extrêmes, le stress hydrique se produit lorsque la demande d’eau, salubre et utilisable, est supérieure aux ressources en eau disponibles nécessaires aux besoins humains et environnementaux, dans une zone géographique déterminée ou lorsque sa qualité en limite l’usage.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclare une situation de stress hydrique lorsque la disponibilité en eau, par an et par habitant, est inférieure à 1 700 m³. Sous le seuil des 1 000 m³, on parle alors de pénurie d’eau.
Le stress hydrique constitue un défi majeur pour de nombreux agriculteurs aujourd’hui. En effet, le changement climatique et la multiplication des périodes de sécheresse impactent directement la disponibilité en eau pour les plantes. Cela met alors en péril une partie des productions agricoles mondiales.
Effectivement, on parle de stress hydrique, ou stress osmotique, lorsque la quantité d’eau transpirée par la plante est supérieure à la quantité d’eau qu’elle absorbe. Le principe est que pour permettre la respiration cellulaire, la plante ouvre ses stomates, c’est-à-dire les pores de ses feuilles. L’eau présente dans les feuilles se retrouve alors au contact de l’air, et s’évapore. Alors, si la situation dure trop longtemps, la croissance du végétal sera directement impactée.
Notamment, plusieurs paramètres agro-météo peuvent impacter le stress hydrique tels que la pluviométrie, la salinité, les fortes chaleurs, l’humidité du sol, la présence de vent, ou une faible hygrométrie.

2. Les causes du stress hydrique
Il peut arriver pour plusieurs raisons :
2.1. La pression sur l’eau
Dans plusieurs régions du monde, la pression sur l’eau est de plus en plus forte, en raison des prélèvements faits par l’Homme dans les eaux superficielles ou des nappes souterraines, qui augmentent, mais également en raison du réchauffement climatique qui perturbe le cycle de l’eau et rend l’eau potable plus difficilement accessible.
2.2. L’augmentation de la population mondiale
La démographie ne cesse d’augmenter de façon exponentielle et cela a un impact sur les réserves de la planète. En effet, en raison de la croissance démographique, du développement économique, de l’amélioration du niveau de vie, de l’évolution des tendances de consommation ainsi que de l’expansion de l’agriculture intensive (irrigation des cultures), l’utilisation mondiale de l’eau au cours des 100 dernières années a été multipliée par six et continue d’augmenter rapidement de près d’environ 1% par an (AQUASTAT).
2.3. Le dérèglement climatique
Les catastrophes naturelles ou les inondations peuvent interrompre la fourniture d’eau et ainsi engendrer des risques d’épidémies (contamination des réserves d’eau et déclenchement des épidémies de dysenterie ou d’autres maladies hydriques). L’augmentation des températures accentuent l’assèchement des sols en raison d’une augmentation de l’évaporation.
2.4. La déforestation
Les arbres sont au centre du processus de pluviosité d’une région ainsi que de la production d’oxygène dans l’air. Leurs racines retiennent l’eau dans les sols et leurs feuilles, en transpirant, produisent et maintiennent une certaine humidité dans l’air.
A cause de la déforestation, le cycle de l’eau est partiellement perturbé, provoquant l’assèchement de certaines régions jusqu’à leur désertification.

3. Des pays plus touchés que d’autres par le stress hydrique
Selon l’Unicef, le Fonds des Nations unies pour l’enfance, quatre milliards de personnes connaissent une grave pénurie d’eau pendant au moins un mois chaque année. Plus généralement, l’ONU prévoit qu’un tiers de la population mondiale soit concernée par le stress hydrique en 2025.
Le stress hydrique touche principalement les zones arides, comme les pays d’Afrique, d’Asie comme l’Inde, le Pakistan, ou les grandes plaines du Nord de la Chine.
A noter que le risque de stress hydrique ne concerne pas que les pays chauds mais peut aussi concerner les pays froids où le gel peut bloquer l’accès à l’eau liquide.

Le stress hydrique touchera 52 % de la population mondiale d’ici 2050. Selon des chercheurs du MIT, quelque 52 % des 9,7 milliards d’habitants de la planète vivront dans des régions en situation de stress hydrique d’ici 2050.

4. La Tunisie entre risques du stress hydrique et mesures de rationnement de l’eau potable
La ressource en eau est la ressource naturelle la plus menacée en Tunisie. Les nappes souterraines ne sont que très faiblement renouvelables, et les changements prévus sur les précipitations, les températures et l’évaporation, impacteront directement le potentiel en eau de surface et souterraine.
A ce cela s’ajoute les impacts de l’élévation du niveau de la mer qui entraine une salinisation des nappes et des eaux de surface, avec une perte de l’ordre de 20% du potentiel total des nappes souterraines.
Les secteurs dépendants de la ressource en eau vont devoir mettre en place de nouveaux modèles de gestion et de production, afin de réduire leur vulnérabilité au manque d’eau.
Si l’on considère la diminution de la pluviométrie et l’augmentation des températures, les estimations par une approche du bilan hydrologique prévoient une diminution des apports en eau nette de 25 à 36% à l’horizon 2050 et de 33 à 61% à l’horizon 2100.
Dans le détail, il semble que le tiers de la diminution des écoulements soit dû à l'augmentation de l'évapotranspiration et les 2/3 restants à la diminution de la quantité de pluie. Aussi, la disponibilité en ressources renouvelables par habitant se situe en-dessous du seuil de stress hydrique (de 366 m3 actuellement à 200 m3 en 2050 et moins de 150 m3 en 2100), ce qui créerait des tensions entre secteurs si les technologies et les modèles de production ne sont pas amenés à évoluer.
Du côté des agriculteurs, les régions du Nord semblent plus conscientes de cette problématique de l’eau, avec des céréales irriguées par des eaux de barrage et des techniques d’économie d’eau mises en place. Cependant, les agriculteurs du Centre et du Sud semblent moins familiers et sensibilisés à cet enjeu, avec un passage récent à l’arboriculture irriguée, et une utilisation de la ressource intensive ou complémentaire à partir des eaux souterraines.
Par ailleurs, le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche a décidé, à partir du 29 mars et jusqu’à la fin du mois de septembre d’interdire l’utilisation de l’eau potable, distribuée par la Sonede, pour l’agriculture, l’irrigation de zones vertes, pour le nettoyage des rues et des endroits publics et pour le lavage des véhicules. Dans son communiqué, daté du 31 mars 2023, le ministère de l’Agriculture précise que toute infraction à cette disposition sera sanctionnée sur la base de l’article 158 du Code des eaux et de l’article 44 du décret gouvernemental 158-2017 du 19 janvier 2017. Que disposent ces articles ?
L’article 158 du Code des eaux mentionne ce qui suit : «Toutes infractions aux prescriptions du présent code ou des décrets et arrêtés pris pour son exécution, sont punies d'une amende de cinquante à mille dinars et d'un emprisonnement de six jours à six mois ou de l'une des deux peines seulement.»
L’article 44 du décret gouvernemental 158-2017 du 19 janvier 2017 mentionne ce qui suit : «La société se réserve le droit de suspendre l’abonnement et d’arrêter la fourniture lorsque l’abonné ou son représentant commet une infraction à l’une des dispositions du présent règlement, et ce, après mise en demeure par lettre recommandée lui donnant un délai de quinze jours pour remise en conformité.
Quant aux infractions faisant l’objet des articles 39, 40, 41 et 42, une fois constatées, elles donnent le droit à la société de procéder d’office et sans préavis à la suspension de l’abonnement et l’arrêt de l’alimentation, sans préjudice des poursuites judiciaires qu’elle pourra engager à l’encontre des contrevenants. Les contrevenants ne peuvent s’y opposer ou réclamer aucun dommage et intérêt suite à la suspension de leur abonnement».
L’article 39 mentionné évoque la question du gaspillage de l’eau mise à la disposition de l’abonné par la Sonede.
4.1. Les défis hydriques auxquels la Tunisie doit faire face[1]
La Tunisie a entrepris une politique remarquable de mobilisation de ses ressources en eaux depuis son indépendance en 1956. Toutefois, le réchauffement climatique, ses besoins croissants ainsi que le vieillissement de ses infrastructures (barrages, canalisations, etc.) mettent à mal l’optimisation de l’exploitation de ses ressources. Quels sont les défis hydriques auxquels la Tunisie doit faire face ?
La Tunisie a un climat semi-aride caractérisé par des variations très amples des températures et de la pluviométrie dans le temps et entre les régions. Le changement climatique risque d’engendrer une hausse des températures oscillant entre +0.7° et +1.5° et une baisse des précipitations de 4 à 12% du Nord au Sud du pays d’ici 2050 (Etude GIZ).
La part de chaque citoyen Tunisien s’élève à 420 m3/an d’eau, en dessous du seuil de stress hydrique estimé à 500 m3/an et de la part individuelle à l’échelle mondiale, valorisée à 1000 m3/an.
Contrairement à une idée répandue, l’eau potable ne représente que 20% de la consommation des réserves nationales du pays, le reste étant réparti entre l’agriculture (77%) et l’industrie et les services (3%).
Pour mobiliser ses ressources en eau (4,8 milliards de m3), la Tunisie dispose notamment de 37 barrages classiques collinaires et 913 lacs collinaires.
En ce début de mois pluvieux, les réserves des barrages sont à seulement 32% de leur capacité globale de stockage[2], en raison de la chute de la pluviométrie durant ces dernières années.
Le stress hydrique dont souffre la Tunisie a perturbé la distribution de l’eau dans plusieurs régions du pays (Béja, kairouan, Gafsa, etc.) qui ont connu plusieurs mouvements sociaux exigeant l’accès régulier à cette ressource vitale.
Le pays a plusieurs projets en cours pour subvenir à ses besoins en eau : construction de nouveaux barrages, projets de dessalement de l’eau de mer, modernisation des périmètres irrigués, etc. Ces projets seraient-ils à même d’alimenter la Tunisie en quantités suffisantes en eaux ?

5. L’impact du stress hydrique sur la santé et l’environnement
5.1. Des impacts sur la végétation
Le stress hydrique a dans un premier temps un impact sur la végétation. Lorsqu’un manque d’eau se fait ressentir, les plantes mettent en œuvre des mécanismes de défense via notamment la fermeture des stomates (petites ouvertures situées sous les feuilles) qui évite la transpiration et donc la perte d’eau.
Mais cette fermeture réduit aussi la photosynthèse, pouvant impacter leur développement et leur croissance (comme la plupart des céréales ou légumes) et donc entrainer de grosses pertes agricoles.
Le stress hydrique augmente également le risque de feux de forêt.
5.2. Des impacts sur les ressources en eau douce
En période de manque d’eau, les rivières s’assèchent et les eaux souterraines risquent la surexploitation avec une dégradation sur la qualité de l’eau liée à la pollution (par des matière organique) ; à l’eutrophisation (apparition d’espèces végétales et animales invasives venant perturber l’écosystème aquatique, notamment par la présence d’algues) ; et à l’intrusion saline.
5.3. Des impacts sur la santé publique
La rareté de l’eau menace la santé et le développement des communautés du monde entier. Plus de deux milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’eau potable ; et près du double de ce nombre, plus de la moitié de la population mondiale, n’ont pas accès à des services d’assainissement adéquats. Ces privations peuvent favoriser la transmission de maladies telles que le choléra, la typhoïde, la poliomyélite, l’hépatite A et la diarrhée.
De plus, comme la rareté de l’eau rend l’agriculture beaucoup plus difficile, elle menace l’accès des communautés à la nourriture, qui peut confronter à la faim aiguë et à la faim chronique, exposés les enfants aux maladies liées à la malnutrition, telles que le retard de croissance et l’émaciation, et aux maladies chroniques dues à une mauvaise alimentation, telles que le diabète.

6. Des solutions pour atténuer le stress hydrique
Une étude a conclu que le monde pourrait être confronté à un déficit en eau de 40% d’ici à 2030 si rien n’est fait pour inverser la situation actuelle (2030 WRG, 2009). En effet, le stress hydrique continuera d’être un moteur de développement pour des approches toujours plus durables afin de gérer les ressources mondiales en eau.
6.1. Solutions technologiques 
Le dessalement de l’eau de mer et la réutilisation des eaux usées, sont bien des alternatives fiables pour prévenir la pénurie d’eauet accéder à des sources d’eau non conventionnelles.Ces deux alternatives ont atteint une pleine maturité technologique au fil des années. Cependant, elles doivent être utilisées localement, en quantité modérée et en combinaison avec d’autres alternatives.
6.1.1. Le dessalement des eaux de mer
Il faut savoir que 97% de l’eau présente sur la planète est salée. Le dessalement de l’eau de mer et des océans est un moyen efficace de lutter contre le stress hydrique dans des régions littorales arides pour produire de l’eau douce sans surexploiter les nappes souterraines.
Selon l’International Water Association, l’eau douce produite grâce au dessalement d’eau de mer répond actuellement à environ 1% des besoins mondiaux.
Aujourd’hui, plus d’un demi-milliard de personnes reçoivent leur eau potable quotidienne par le biais du dessalement, notamment au Moyen-Orient, en Chine et en Inde, car la réglementation l’autorise.
En revanche, en Europe, la législation n’autorise pas la réutilisation directe en eau potable, car elles ne sont pas encore convaincues de son innocuité. L’eau réutilisée est donc principalement utilisée pour l’irrigation des paysages et les utilisations urbaines ou industrielles.
Notamment, le dessalement de l’eau de mer est le processus par lequel les sels minéraux dissous dans l’eau sont éliminés. Ce dessalement peut se faire par osmose inversée[3], ou par une technologie thermique entraînant une évaporation de l’eau.
Cependant, le frein au développement de cette solution contre le stress hydrique est son impact environnemental. En effet, le dessalement de l’eau de mer est de plus en plus perçu comme trop énergivore et son impact environnemental peut être discuté.
Pour séparer l’eau et le sel, il faut rompre la liaison entre les deux composants, la consommation d’énergie associée peut alors être jusqu’à 20 fois supérieure à celle d’autres approches conventionnelles. En outre, le sous-produit généré par le processus est la saumure (de l’eau ultra-salée), et cette dernière est produite en grande quantité, car le processus offre un rendement de 50%, ce qui signifie que 1000 litres d’eau de mer produiront 500 litres d’eau propre et 500 litres de saumure. Cette saumure est quant à elle rejetée dans l’océan et pourrait, en grande quantité, endommager l’écosystème marin en coulant au fond de la mer, car elle est de fait plus lourde que l’eau de mer« naturelle ».
Par ailleurs, le développement de cette alternative nécessite un investissement financier important puisque les usines de dessalement sont toutes situées près de la mer ou de l’océan et donc le coût d’investissement pour construire un réseau d’eau afin d’approvisionner une zone aride éloignée de la mer est très élevé.
6.1.2. Le traitement des eaux salées
Tout comme l’eau de mer, les eaux usées existent en abondance. La réutilisation des eaux usées est un levier essentiel pour limiter le stress hydrique. Réutiliser les eaux usées est moins couteux et moins énergivore que le dessalement des eaux de mers et d’océans ou de transporter de l’eau potable sur une longue distance.
A noter que la réutilisation des eaux usées est strictement encadrée par le législateur, au niveau mondial (OMS), européen (Union Européen) et national.
Notamment, la réutilisation de l’eau,est le processus de conversion des eaux usées municipales ou industrielles en eau recyclée permettent ensuite une multitude d’usages tels que l’arrosage des espaces verts, le nettoyage des espaces publics, l’irrigation agricole, l’alimentation des systèmes de climatisation et de refroidissement etc. En effet, la réutilisation est réalisation par des membranes très performantes, permettant d’obtenir une eau de la plus haute pureté possible.
Cependant, le frein au développement de cette solution contre le stress hydrique est que la réutilisation des eaux usées souffre d’un problème d’acceptation sociale. Bien qu’il n’existe pas d’études épidémiologiques solides montrant que le recyclage des eaux usées peut provoquer une épidémie, la transmission potentielle d’infections par des organismes pathogènes, ou la libération de contaminants, restent les principales préoccupations du public concernant la réutilisation directe de l’eau potable. Cette réserve ralentit le développement de cette alternative, même si des dizaines d’installations de réutilisation directe en eau potable (Direct Potable Reuse DPR) produisent déjà une eau potable de haute qualité tout en respectant des normes sanitaires très élevées. Par exemple, l’usine de Goreangab en Namibie, ouverte depuis 1968 enregistre une capacité totale de 7,5 millilitres d’eau par jour depuis 1997, elle est donc un exemple de réutilisation directe de l’eau potable à long terme et à grande échelle.
Une évolution est cependant à venir : les réglementations régissant la réutilisation de l’eau sont de plus en plus développées, tant pour la réutilisation directe qu’indirecte. Par exemple, en Europe, la révision de la directive européenne sur le traitement des eaux usées urbaines, prévue en 2022, rendra obligatoire, dans chaque pays, l’examen systématique et un pourcentage minimum de réutilisation des eaux usées (DPR). Cette directive n’est pas encore centrée sur le DPR, mais elle représente un premier pas pour encourager son acceptation.
Ainsi, si la réutilisation de l’eau était au départ dans l’ombre du dessalement de l’eau de mer, son marché a connu une croissance plus rapide au cours des dernières décennies, avec une augmentation de 91% de la capacité de réutilisation de l’eau contre 63% pour le dessalement. En 2016, les capacités annuelles totales sous contrat des usines de réutilisation étaient déjà deux fois supérieures à celles du dessalement, avec une capacité de 2,5 milliards de m3 par an contre 1 milliard.
Par ailleurs, si une usine de réutilisation de l’eau n’est pas située près de son site de traitement des eaux usées, le développement de cette alternative nécessite un investissement financier important. Ainsi, le segment industriel pour la réutilisation de l’eau est en augmentation, car les eaux usées produites sur site peuvent être réutilisées directement sur site. Pour illustrer, une eau réutilisée doit être distribuée dans un rayon de 5 km de sa production pour être rentable.
Par ailleurs, on peut faire valoir que l’alternative la moins chère et la moins consommatrice au dessalement et à la réutilisation est la conservation de l’eau, mais à plus long terme, avec les taux prévus de croissance de la population mondiale combinés aux impacts anticipés du changement climatique, il est impossible d’éviter les solutions du côté de l’offre.

6.2. Les techniques utilisées par les agriculteurs pour lutter contre le manque d’eau
À l’heure où la pluie fait déjà défaut mettant en péril le rechargement des nappes phréatiques, la gestion de l’eau et la lutte contre le stress hydrique des cultures, s’annoncent essentielles pour préserver les rendements. Pour aider la plante à se préparer à ces périodes de sécheresse, le recours aux biosolutions intègre le panel de solutions à combiner pour une stratégie efficace. À condition d’intervenir en préventif.
6.2.1. Optimisation des ressources en eau
Un premier levier à votre disposition est l’utilisation efficace des ressources en eau. Cela passe par l’utilisation de techniques d’irrigation adaptées, l’utilisation d'outils de gestion de l’irrigation ainsi que l'utilisation d'outils d'aide à la décision.
6.2.1.1. Choisir la solution d’irrigation adaptée

Il existe aujourd’hui divers systèmes d’irrigation à la portée : systèmes d’irrigation de surface, systèmes d’irrigation par aspersion, systèmes de micro-irrigation ou systèmes de fertigation et d’irrigation goutte-à-goutte photovoltaïques ...
- Les systèmes de micro-irrigation : Ils sont économes en eau, car ils la délivrent à une distance fortement réduite de la plante, limitant ainsi le phénomène d’évaporation. Il s’agit cependant d’un système difficile à mettre en place sur les grandes cultures. Il est donc majoritairement utilisé en maraîchage, viticulture ou encore arboriculture.
- Les Systèmes de fertigation et d’irrigation goutte-à-goutte photovoltaïques [4] : Les ressources en eau étant rares dans la région MENA, l’utilisation inefficace de l’eau d’irrigation et des engrais pour la production agricole a des impacts importants sur la santé des sols. Pour garantir une utilisation durable de l’eau et des sols, l’Institut de coopération universitaire (ICU), une ONG italienne, appuie la promotion d’un système de fertigation goutte-à-goutte à énergie solaire en Jordanie et au Liban. Celui-ci a permis aux agriculteurs de cultiver des superficies plus importantes grâce à la disponibilité d’une plus grande quantité d’eau pour l’irrigation et de protéger les sols contre la salinisation car l’application de l’engrais devient beaucoup plus efficace, ce qui leur permet également d’économiser de l’argent et donc d’améliorer leurs revenus. Les résultats ont encouragé des partenaires locaux à investir dans cette innovation prometteuse.
6.2.1.2. Suivre l'état hydrique de ses parcelles à l’aide d’un outil de gestion de l’irrigation

Plusieurs outils existent pour mesurer l’état hydrique des sols, suivre l’évolution de la disponibilité en eau dans les parcelles et identifier le moment optimal pour déclencher une irrigation.
Pour lutter contre le stress hydrique, il faut d’abord le mesurer. Et les sondes de pilotage de l’irrigation sont l’un des meilleurs outils pour y parvenir.
Concrètement, des capteurs sont installés au plus près des cultures, et mesurent la disponibilité en eau des sols en temps réel. Les données sont ensuite transférées vers un téléphone ou un ordinateur. Ainsi, en surveillant si les plantes ont suffisamment d’eau, on peut optimiser les irrigations.
Dans le détail, il existe deux principaux types de sondes pour suivre le risque de stress hydrique sur les parcelles :
- Les sondes capacitives : Elles mesurent la teneur en eau volumique, c’est-à-dire la part d’eau contenue dans un volume de sol donné. La valeur est traduite en un pourcentage d’humidité du sol.
- Les sondes tensiométriques : Elles mesurent le potentiel hydrique matriciel, c’est-à-dire la force que doivent exercer les racines pour extraire l’eau du sol. Le résultat est exprimé en kPa. Plus la valeur est élevée, plus la tension est forte, et moins il y a d’eau disponible pour les plantes.
Notamment, d’autres solutions innovantes existent comme le capteur d’irradiation solaire.
Ces différents capteurs sont essentiels pour un suivi précis de la quantité d’eau présente dans les sols. Cela permet d’éviter toute irrigation excessive ou insuffisante, assurant ainsi une utilisation efficace de l'eau, adaptée aux besoins des cultures.

6.2.1.3. Les outils d’aide à la décision

Il existe aujourd’hui des outils d’aide à la décision capables de modéliser les besoins en eau d’une culture en fonction de paramètres agro-météo comme la pluviométrie, l’évapotranspiration, la Réserve Facilement Utilisable (RFU) et le stade cultural.
Ces outils sont appelés des bilans hydriques, et ils permettent de suivre l’état de la réserve en eau des sols. Ainsi, en sachant où et quand les plantes ont besoin d’eau, on peut lutter efficacement contre le déficit hydrique.

6.2.2. Autres pratiques d’optimisation

D’autres pratiques telles que l'entretien régulier des systèmes d’irrigation, sont essentielles à l’optimisation de l’utilisation d’eau. Cela permet d’éviter toute fuite ou perte d’eau inutile.
Un suivi assidu des prévisions météorologiques permet également d’ajuster son programme d’irrigation en fonction des précipitations attendues.
L'optimisation des ressources en eau permet de faire face au stress hydrique, mais également de réaliser des économies significatives en termes de coûts d'irrigation et de consommation d'eau.
6.2.2.1. Conservation de l’eau dans les parcelles
La conservation de l’eau dans les parcelles permet, en complément de l’optimisation d’utilisation d’eau, de limiter le stress hydrique dans les parcelles agricoles. Voici des exemples de solutions efficaces, à portée des producteurs.
- La conservation des sols : Les pratiques de conservation des sols, telles que la couverture végétale, sont des moyens efficaces de réduire l’évaporation de l’eau du sol.
La couverture végétale implique la plantation de cultures intermédiaires pour maintenir un couvert permanent, réduisant ainsi l'érosion et la perte d'eau par évaporation.
- La construction de bassins de rétention : Ces bassins stockent l’eau de pluie, la rendant disponible pour l'irrigation ultérieure. En collectant l'eau de ruissellement, vous pouvez réduire la dépendance à l'eau provenant de sources externes. Ces bassins peuvent être conçus de différentes tailles et formes pour s'adapter à vos besoins spécifiques.

6.2.3. Les pratiques agronomiques
6.2.3.1. La sélection de variétés adaptées
Tous les végétaux ne sont pas égaux face au stress hydrique. En fait, les plantes ont développé plusieurs stratégies pour survivre au manque d’eau :
- L’évitement : La plante réalise son cycle végétatif en dehors des périodes de sécheresse.
- L’esquive : La plante développe son système racinaire ou réduit sa transpiration en refermant une partie de ses stomates.
- La tolérance : Certaines plantes sont naturellement résistantes au stress hydrique et parviennent à préserver leur surface foliaire, même lorsque l’eau se fait rare.
Une partie du travail des instituts de recherche agronomique consiste à identifier les espèces et les variétés les mieux à même de résister au stress hydrique.
Les pois chiches, les lentilles ou le sorgho sont par exemple des espèces qui résistent bien au manque d’eau.
Choisir des cultures et des variétés résistantes à la sécheresse est une des stratégies clé pour assurer la productivité agricole en limitant au plus l’impact du stress hydrique. Dans les prairies, certains agriculteurs ont par exemple fait le choix d’implanter davantage de luzerne (Medicago sativa),une plante méditerranéenne qui utilise la stratégie de l’esquive. Ses racines peuvent se développer jusqu’à 4 mètres de profondeur pour puiser l’eau.
6.2.3.2. Les leviers agronomiques
Sur le plan agronomique, plusieurs bonnes pratiques permettent de réduire la sensibilité des végétaux au stress hydrique, et de conserver l’eau dans les sols.
6.2.3.2.1. Les dates de semis
C’est souvent durant la phase de floraison que les cultures sont le plus sensibles au manque d’eau. Et tout stress hydrique prolongé durant cette période risque d’avoir un impact fort sur le nombre de grains.
Par contraste, un stress tardif n’impactera que le remplissage des graines, et sera donc moins préjudiciable. Alors pour éviter d’exposer que la période de floraison ne se déroule pendant l’été, lorsque le risque de stress hydrique est élevé, de nombreux agriculteurs font le choix d’avancer leurs dates de semis.
Ces semis précoces sont un levier agronomique simple et efficace pour lutter contre le stress hydrique, comme l’a prouvé un essai réalisé en Moselle (département français) par Terres Inovia : un premier semis a été réalisé le 25 février. Le second semis, effectué un mois plus tard, a généré 6 à 10 q/ha de rendement en moins.
6.2.3.2.2. Le désherbage
Lorsque les adventices poussent aux côtés des cultures, elles rivalisent pour l’espace, la lumière, les nutriments du sol, mais également pour l’eau disponible. En effectuant un désherbage, on élimine la concurrence des adventices et on optimise l’utilisation des ressources en eau par la culture.
6.2.3.2.3. Les rotations des cultures
La rotation des cultures peut contribuer à améliorer la résilience du sol face au stress hydrique. En alternant les cultures, on peut prévenir l'appauvrissement des nutriments et la dégradation de la structure du sol, tout en améliorant sa capacité à retenir l'eau. Certaines cultures, comme les légumineuses, peuvent également enrichir le sol en azote, favorisant ainsi la santé globale du système agricole.
6.2.4. Les biostimulants
En vue de lutter contre les stress abiotiques, comme le gel, le vent ou la sécheresse, de plus en plus d’agriculteurs s’intéressent aux biostimulants. Ces substances, souvent issues de composés naturels, sont conçues pour booster le développement des plantes, même en conditions difficiles.
Une molécule, en particulier, a permis d’obtenir de premiers résultats encourageants contre le stress hydrique. Il s’agit des phytostérols, une substance qui prépare la plante au manque d’eau. Elle provoque notamment le resserrement des stomates, et stimule la croissance des racines.
6.2.4.1. Les phytostérols jouent un rôle dans la résistance des plantes à la sécheresse

Plusieurs études scientifiques montrent le lien entre stress hydrique et production de phytostérols dans les végétaux. Des recherches scientifiques ont exploité cette propriété pour mettre au point une solution à base de phytostérols qui prépare la plante à un futur manque d’eau.
Selon une étude [5] de 2015, intitulée « Rôle des phytostérols dans la tolérance du riz au stress hydrique», «les phytostérols font partie intégrante des composants des membranes cellulaires. Ils régulent la fluidité de la membrane en jouant sur ses propriétés, ses fonctions et sa structure».
Les scientifiques ont tout d’abord constaté que les phytostérols avaient un rôle dans la rigidification des parois cellulaires lors de la croissance de la plante et donc de l’augmentation de la biomasse. Ils ont effectivement observé une augmentation des quantités de phytostérols proportionnelle à l’âge de la plante.[6]
La membrane plasmique maintenue par les phytostérols
En cas de stress hydrique, qu’il s’agit de riz, de tournesol ou de colza, une hausse conséquente des phytostérols est aussi mesurée au point que les chercheurs valident le fait que « les phytostérols et leurs esters pourraient avoir un rôle dans la tolérance au stress hydrique en renforçant les membranes cellulaires. »[7]. Cela irait de pair avec le constat que « l’une des principales manifestations du stress chez les plantes est la désintégration de la membrane plasmique »[8], d’où l’idée qu’en cas de stress hydrique, la plante cherche à maintenir coûte que coûte l’état de sa membrane.
Si la membrane est dégradée, la cellule n’est plus aussi fonctionnelle. Toujours dans l’étude sur le riz, les chercheurs ont observé que plus le stress hydrique est fort, plus la quantité de phytostérols produite est importante. Dans une étude[9] portant sur une autre plante, Ramondaserbica, sa réhydratation après un stress hydrique important permettait aux membranes plasmiques des cellules des feuilles de retrouver quasi la même composition que celle des plantes n’ayant pas souffert de la même épreuve. Et le taux de phytostérols avait baissé, montrant bien le lien entre ces molécules et une adaptation du végétal au manque d’eau.
Fort de ces constats, une solution, élaborée à base de phytostérols pour aider les cultures à s’adapter au stress hydrique lié aux sécheresses de plus en plus fréquentes, envoie comme un message à la plante pour la prévenir qu’un stress va arriver et qu’elle va devoir se préparer à s’adapter physiologiquement parlant. Dans ce sens, la plante modifie en avance son équilibre pour se préparer au stress.
Plutôt qu’elle produise elle-même ses substances, elles lui sont fournies en amont du stress et leur effet positif est observé avec un développement racinaire plus important dans certains types de sols. C’est comme si la plante savait qu’elle allait manquer d’eau, elle va explorer le sol plus profondément pour augmenter ses ressources tant que le stress n’est pas encore là. Ainsi, lorsque la sécheresse arrive, la plante, étant mieux armée, peut y faire face beaucoup plus facilement.
Autre élément intéressant observé à la suite de l’apport de la solution à base de phytostérols est que la plante évapotranspire moins d’eau mais produit toujours autant de biomasse, d’où une économie d’eau.

6.3. Les bons gestes à privilégier
L’eau est un bien précieux qu’il est nécessaire de préserver et chacun peut agir au quotidien pour limiter sa consommation d’eau grâce à quelques gestes simples lors des usages domestiques (installer des équipements sanitaires économes en eau, récupérer et réutiliser l’eau); dans les domaines de l’agriculture (changement des pratiques d’irrigation, choix de cultures moins consommatrices d’eau) et de l’industrie (amélioration des modes opératoires, plus économes en eau); et dans les collectivités / les villes (entretien des réseaux et réparation des fuites, collectes des eaux pluviales pour l’arrosages des espaces verts, sensibilisation des citoyens) .
En France, en cas de sécheresse et pour faire face à une insuffisance de la ressource en eau en période d’étiage, les préfets peuvent prendre des mesures exceptionnelles de limitation ou de suspension des usages de l’eau en application de l’article L.211-3 II-1° du code de l’environnement comme par exemple : l’interdiction de remplir la piscine ou de laver sa voiture, l’interdiction d’irriguer pour l’agriculture ou encore l’obligation de recyclage de certaines eaux de nettoyage pour l’industrie.
Il y a eu une certaine mobilisation internationale autour de la sécurité de l’eau. Assurer la disponibilité et la gestion durable de l’eau et de l’assainissement pour tous est l’un des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. Les territoires et les principaux acteurs du secteur de l’eau sont tenus de collaborer pour améliorer la qualité des services et sensibiliser la population à la qualité de l’eau en affichant la qualité de l’eau potable ; en engageant les populations en cas de situation de stress hydrique ; et en véhiculant en temps réel les informations sur l’état du stress hydrique et en proposant des bonnes pratiques et des recommandations ...»

Sources :
https://meersens.com/stress-hydrique-une-situation-renforcee-par-le-rechauffement-climatique/#BLOC1
https://www.alcimed.com/fr/les-articles-d-alcim/stress-hydrique-solutions/
https://weenat.com/stress-hydrique-techniques-agriculture-lutter-contre-manque-eau/
https://www.elicit-plant.com/le-blog/les-phytosterols-jouent-un-role-dans-la-resistance-des-plantes-a-la-secheresse/
https://fr.blog.sencrop.com/comment-lutter-contre-le-stress-hydrique-en-agriculture-2/


[1]Economie de l’eau : Le stress hydrique menace la Tunisie – In: https://www.youtube.com/watch?v=jvGDHlqj2e8
[2]Situation Journalière des barrages – In: Observatoire National de l'Agriculture (onagri.nat.tn)
[3]Osmose inversée en circuit fermé – In: https://www.wipo.int/wipo_magazine/fr/2020/01/article_0004.html
[4]Systèmes de fertigation et d’irrigation goutte-à-goutte photovoltaïques –In: https://energypedia.info/wiki/Energie_durable_pour_le_pompage_et_lirrigation
[5]M.S. Sujith Kumar, I. Mawlong, K. Ali, A. Tyagi.2015. Role of phytosterols in drought stress tolerance in rice. Plant physiology and biochemesterie 10.1016/j.plaphy.2015.07.014
[6]M.S. Sujith Kumar, I. Mawlong, K. Ali, A. Tyagi.2015. Role of phytosterols in drought stress tolerance in rice. Plant physiology and biochemesterie 10.1016/j.plaphy.2015.07.014
[7] M.S. Sujith Kumar, I. Mawlong, K. Ali, A. Tyagi. 2018. Regulation of phytosterols biosynthetic pathway during drought stress in rice. Plant physiology and biochemesterie 129, 11-20
[8] M.S. Sujith Kumar, I. Mawlong, K. Ali, A. Tyagi. 2018. Regulation of phytosterols biosynthetic pathway during drought stress in rice. Plant physiology and biochemesterie 129, 11-20
[9] M. F. Quatarcci, O. Glisic, B. Stevanovic, F. Navari-Izzo. 2002. Plasma membrane lipids in the resurrection plant Ramonda serbica following dehydratation and rehydratation. Journal of experimental botany, Vol 53, N°378, 2159-2166

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