Diffusion Sélective de l'Information
le 16 novembre 2022


 

                                                       Bio-économie & Changement climatique

«... La bio-économie est aujourd’hui en plein essor. Cette économie fondée sur l’utilisation de la biomasse représente un changement majeur pour les filières économiques et pour la mobilisation de ressources qu’elle peut concerner. En raison des risques de surexploitation des ressources naturelles et des impacts sur la sécurité alimentaire et l’environnement qu’elle peut générer, la question de sa durabilité se trouve posée.
Si l’usage des ressources de la nature est aussi ancien que l’humanité, la « bio-économie » d’aujourd’hui est une dénomination nouvelle de l’économie fondée sur les ressources naturelles, agricoles et forestières. La bio-économie est appelée à remplacer en partie des ressources non renouvelables par des ressources renouvelables exploitées de façon durable.
Pour que la bio-économie soit durable, elle doit être reproductible par les générations futures sans épuiser ses propres fondements. Or la bio-économie impacte nécessairement les écosystèmes et la biodiversité.
À plusieurs reprises, la Commission européenne (CE) a fait explicitement référence aux potentiels de croissance économique et de création d’emplois portés par la bio-économie en Europe. Pour autant, elle présente la bio-économie d’abord dans une perspective de croissance, d’innovation et de compétitivité.
De nombreux pays se sont dotés de stratégies nationales en bio-économie qui prennent peu en compte les questions de soutenabilité... Pour relever les défis environnementaux et sociétaux sans remettre en cause la qualité de vie des populations ni les capacités de développement des générations futures, il faut adopter de nouveaux modes de production et de consommation...
L’exigence d’une bio-économie durable
Le développement de la bio-économie entre en synergie avec d’autres démarches. Ainsi la bio-économie deviendra plus durable en adoptant les principes d’économie circulaire.
L’agriculture est une clef de la bio-économie durable. Des pratiques agronomiques cohérentes avec des objectifs climatiques, préservant et entretenant la fertilité des sols et respectant la biodiversité sont à préconiser et à mettre en œuvre...
Une économie fortement basée sur la biomasse doit garantir dans la durée, le renouvellement complet de celle-ci...
Pour se développer, la bio-économie a besoin d’un horizon clair, d’une certaine stabilité, d’un cadre politique qui tient compte des défis économiques, environnementaux, technologiques, sociaux et institutionnels...

I. Bio-économie d'hier et d'aujourd'hui
La bio-économie aujourd’hui en plein essor, est présentée comme porteuse d’alternatives au modèle actuel de développement. Des stratégies sont élaborées pour son développement au niveau européen comme au niveau mondial dans un certain nombre de pays.
Cette économie fondée sur l’utilisation de la biomasse plutôt que sur celle des ressources fossiles représente un changement majeur pour les systèmes socio-économiques, agricoles, énergétiques et techniques, ainsi qu’une transformation forte des systèmes actuels de production et de consommation. Celle-ci doit prendre en compte les risques de surexploitation des ressources naturelles et les impacts sur la sécurité alimentaire et l’environnement qu’elle peut générer, ce qui amène à poser la question de la durabilité de la bio-économie...
La bio-économie d’aujourd’hui est une dénomination nouvelle de l’économie fondée sur les ressources naturelles, agricoles et forestières, renommées aujourd’hui « bio-ressources », celles-là mêmes qui ont été utilisées par l’humanité depuis la nuit des temps jusqu’à l’âge des combustibles fossiles. La bio-économie est donc en partie appelée à se substituer à un cycle historique fondé sur l’exploitation du charbon puis du pétrole. D’une manière générale, il s’agit de remplacer des ressources non renouvelables qu’elles soient fossiles ou minières, par des ressources renouvelables exploitées de façon durable...
Aujourd’hui, plusieurs approches et définitions de la bio-économie coexistent. La promotion et l’institutionnalisation de ce nouveau modèle nécessitent la définition d’une conception partagée sur la base de laquelle des politiques publiques puissent légitimement être déployées. Institutionnellement, la Commission européenne (CE) ainsi que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) définissent la bio-économie comme « un ensemble d’activités économiques liées à l’innovation, au développement, à la production et à l’utilisation de produits et de procédés biologiques ». À travers cette nouvelle stratégie, les institutions souhaitent utiliser la recherche et l’innovation pour permettre la transition de notre économie basée sur le carbone et les énergies fossiles vers une économie «verte», «décarbonée» et «durable».

II. Quelles conditions remplir pour une bio-économie durable?
Pour que la bio-économie soit durable, elle doit être reproductible par les générations futures sans épuiser ses propres fondements. Pour cela, elle doit donc s’inscrire dans les limites biogéochimiques de la planète (climat, écosystèmes, biodiversité…)...
Cette perspective réclame de répondre à plusieurs questions: quelles limites, quelle hiérarchie entre plusieurs usages, quelles conditions de production des ressources, quelle efficacité, quels besoins de consommation (sobriété) ?
Limites – La première question qui se pose est celle des « limites » possibles de la bio-économie... Il serait nécessaire de construire et évaluer des scénarios concertés aux niveaux régional et international, prenant en compte les éléments scientifiques et socio-économiques pour déterminer quelles cibles pourraient atteindre la bio-économie, dans quelles conditions en termes de réponses aux besoins de l’humanité en même temps que de constitution d’un modèle soutenable pour la biosphère et les générations futures.
Hiérarchisation des usages – La nécessité de respect de ces limites débouche sur plusieurs objectifs: le non-gaspillage c’est-à-dire l’utilisation « en cascade » des bio-ressources ; la recherche de l’efficacité maximale (matière et énergie) ; la hiérarchisation des usages.
Un des premiers requis est l’usage « en cascade », c’est-à-dire que la biomasse va être utilisée de la façon la plus rationnelle possible, d’abord dans des usages prioritaires (alimentation et matériaux durables par exemple) puis seulement in fine pour des usages énergétiques.
La question de la hiérarchisation des usages concerne en second lieu l’usage des sols eux-mêmes : le risque important est la substitution d’une production à une autre, le transfert géographique de certaines productions, l’importation de bio-ressources.
Ces importations par exemple risqueraient de déséquilibrer certaines productions locales, de faire disparaître des surfaces indispensables à d’autres fonctions ou de contribuer à la fragilisation du modèle par la captation de ressources indispensables à d’autres territoires pour répondre à leurs propres besoins.
En outre, la biomasse n’est pas un « gisement » : il n’existe pas de « biomasse inutilisée » dans les écosystèmes naturels, agricoles ou forestiers. Toute utilisation nouvelle constitue un détournement de fonctions antérieures et peut présenter des conséquences, positives ou négatives, qu’il faut évaluer. Il existe des fonctions essentielles qu’il est nécessaire de rendre compatibles et d’articuler. Cela est nécessaire pour construire des stratégies de mobilisation soutenables de la biomasse en tenant compte du fait que tous les registres de ces « utilisations» ne sont pas substituables : les valeurs financière, agronomique, écosystémique, patrimoniale, paysagère, affective ne sont pas équivalentes et doivent être évaluées, partagées, incluses dans la construction des projets.
Enfin, au regard de la hiérarchisation des usages, la question de la régulation des marchés internationaux des matières premières agricoles représente une très forte interrogation, au-delà de quelques principes de gouvernance esquissés dans le cadre du G20: quel sera le cadre futur ? Comment pourront être assuré.e.s la souveraineté alimentaire, l’accès aux ressources, les priorisations régionales ou nationales données en fonction d’enjeux alimentaires ou économiques locaux?
Conditions de production – Les conditions de production des bio-ressources sont un autre élément incontournable de la durabilité d’une future bio-économie. Elles doivent donc s’efforcer de répondre à un certain nombre de critères. Dans la durée et en termes de bilan, global, cette production doit en particulier viser à : y permettre son propre renouvellement, ce qui englobe l’entretien de la fertilité des sols (agricoles comme forestiers) ; y respecter les cycles biogéochimiques ; y ne pas contribuer au changement climatique (en bilan global) ; y pouvoir produire des bilans globaux carbone/GES.
Sobriété – De manière plus générale, dans la perspective d’une humanité à neuf milliards d’individus dans trente ans, les questions d’efficacité, d’efficience et de sobriété vont devenir de plus en plus prégnantes et nos sociétés vont devoir se projeter vers des objectifs de sobriété et d’usage plus rationnel des ressources dans la satisfaction des besoins.
Dans sa communication de 2012, la Commission européenne avertissait : « La stratégie bioéconomique et son plan d’action visent à faciliter l’avènement d’une société plus innovante, plus économe en ressources et plus compétitive qui concilie la sécurité alimentaire et l’utilisation durable des ressources renouvelables à des fins industrielles tout en garantissant la protection de l’environnement ». Au-delà de ces objectifs qui restent un peu trop généraux, il importe de parvenir à changer d’orientations dans des domaines aussi importants que la consommation, l’emballage, les transports, l’énergie, la lutte contre l’artificialisation des sols, des méthodes efficaces contre le gaspillage, etc...

III. Une stratégie pour l'OCDE et l'Union européenne
C’est à partir de la fin des années 1990 et sous l’impulsion de l’OCDE que le terme «bio-économie » s’est diffusé progressivement dans les programmes de recherche et les appels à projets ainsi que dans les discours institutionnels européens.
Inscrite sur l’agenda interne de l’OCDE suite au rapport 21st Century Technologies (OCDE, 1998), l’institution n’a avancé une définition qu’à partir de 2009 dans sa publication « La bio-économie à l’horizon 2030» : quel programme d’action ? (OCDE, 2009). Elle y est présentée comme un nouvel horizon scientifique, technologique, industriel, reposant sur la connaissance accrue des génomes, une plus grande utilisation de la biomasse dans les procédés industriels et un recours accentué aux biotechnologies. La définition de la bio-économie est donc à ce stade pour l'OCDE très liée au développement des biotechnologies, décrites comme des « innovations de rupture » amenées à assurer une part substantielle de la production économique des pays de l’OCDE, sans questionnement sur les ressources nécessaires.
La Commission européenne est la première institution en Europe à attribuer une place privilégiée à la bio-économie dans sa stratégie de recherche pour 2020 (Horizon 2020), avec un budget opérationnel et un grand nombre de partenariats public-privé. La bio-économie a occupé une part croissante dans les débats à la Commission dans la décennie écoulée.
En 2011, elle a publié une «Feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources», dans une optique de création d’emplois qui veille à ce que «la qualité de cette croissance garantisse un avenir durable»: «Si l’on veut relever ces défis et en faire des opportunités, notre économie devra subir, en l’espace d’une génération, une transformation fondamentale dans les domaines de l’énergie, de l’industrie, de l’agriculture, de la pêche et des
transports, mais aussi au niveau du comportement des producteurs et des consommateurs. En
préparant cette transformation en temps utile, de manière prévisible et contrôlée, nous pourrons continuer d’accroître nos richesses et notre bien-être tout en diminuant l’intensité de notre utilisation des ressources et l’incidence de celle-ci».
Au début de cette communication, la Commission pose un cadre global: « Au cours du XXe siècle, le monde a multiplié sa consommation de combustibles fossiles par douze et l’extraction de ressources matérielles par trente-quatre. Aujourd’hui, dans l’Union européenne
(UE), seize tonnes de ressources sont consommés chaque année par personne, dont six sont gaspillées, la moitié prenant la direction des décharges. Toutefois, il est clair que le temps des
ressources abondantes et bon marché est désormais révolu. Les entreprises doivent payer de plus en plus cher des matières premières et des minéraux essentiels, dont la rareté et la volatilité des prix exercent un effet néfaste sur l’économie. Les sources de minéraux, de métaux et d’énergie, tout comme les stocks de poissons, le bois, l’eau, les sols fertiles, l’air pur, la biomasse et la biodiversité subissent tous des pressions de plus en plus fortes ; il en va de même pour la stabilité du système climatique. Alors que la demande mondiale de denrées alimentaires, d’aliments pour animaux et de fibres pourrait grimper de 70 % d’ici à 2050, 60% des principaux écosystèmes de la planète où sont produites ces ressources sont déjà dégradés ou exploités de façon non durable.
Si nous continuons à utiliser les ressources au rythme actuel, il nous faudra, au total, l’équivalent 20 de plus de deux planètes pour subvenir à nos besoins d’ici à 2050, et nombreux sont ceux qui ne réaliseront pas leurs aspirations à une meilleure qualité de vie. Notre système économique continue d’encourager une utilisation inefficace des ressources en valorisant certaines d’entre elles en-deçà de leur coût véritable ».
Le Conseil mondial des entreprises pour le développement durable plaide en faveur d’une multiplication de la productivité des ressources par un facteur compris entre quatre et dix entre les années 2010 et 2050 et l’Union européenne a inscrit l’utilisation plus efficace des ressources comme objectif dans son programme pour la compétitivité mondiale.
La reconception de produits, la gestion durable des ressources environnementales, la promotion de la réutilisation, du recyclage et de la substitution de matériaux et les économies de ressources sont autant d’éléments appelés à concourir à sa réalisation.
Les objectifs affirmés de cette feuille de route sont ambitieux: «D’ici à 2050, l’économie de l’Union européenne aura connu une croissance respectueuse des ressources naturelles et des limites de notre planète, contribuant ainsi à une transformation globale de l’économie. Notre économie sera concurrentielle et inclusive et offrira un niveau de vie élevé tout en ayant réduit fortement les incidences sur l’environnement. Toutes les ressources seront gérées de façon durable, des matières premières à l’énergie, en passant par l’eau, l’air, les terres et le sol. Toutes les échéances auront été respectées en matière de changement climatique, tandis que la biodiversité et les services écosystémiques qu’elle sous-tend auront été protégés, valorisés et considérablement restaurés».
Le cadre de cette transformation de l’économie projetée est présenté dans la figure ci-après:


     Schéma1: Transformer l'économie (Source : Agence européenne pour l’environnement.)

La Commission européenne publie en 2012, une communication intitulée « L’innovation au service d’une croissance durable » : une bio-économie pour l’Europe. La bio-économie y est définie comme une économie fondée sur l’exploitation des ressources biologiques renouvelables (production et transformation de la biomasse) à travers la mobilisation de diverses sciences, le recours aux technologies et à l’ingénierie. Elle annonce en fait des mutations profondes : «Afin de faire face à l’augmentation de la population mondiale, à l’épuisement rapide de nombreuses ressources, aux pressions environnementales accrues et au changement climatique, on doit adopter une approche radicalement différente de la production, de la consommation, du traitement, du stockage, du recyclage et de l’élimination des ressources biologiques. La stratégie Europe 2030 préconise de développer la bioéconomie comme élément clé d’une croissance verte et intelligente.
En effet, les progrès de la recherche en matière de bio-économie et l’adoption d’innovations permettront de mieux gérer ses ressources biologiques renouvelables, de créer de nouveaux marchés et de diversifier l’offre de denrées alimentaires et de bioproduits. Il y a de grands avantages à instaurer une bio-économie car celle-ci permettrait de préserver et de stimuler la croissance économique et l’emploi dans les zones rurales, côtières et industrielles, de limiter la dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles et d’accroître la durabilité économique et environnementale de la production primaire et des industries de transformation.»
Cette communication promeut une vision assez large de la bio-économie, projetant un changement radical des manières de produire, de consommer, de stocker, de recycler. Cette projection implique le remplacement d’une partie des hydrocarbures dans la production par des ressources renouvelables issues de la biomasse. «Présentée comme une alternative aux économies du "tout pétrole" et à l’épuisement des ressources naturelles, cette bio-économie serait en mesure de produire des équivalents ou substituts tels que les biocarburants, les bioplastiques ou les bio-détergents. Elle répondrait ainsi à la demande actuelle des consommateurs, tout en minimisant l’impact environnemental de la production de ces biens et en contribuant à la lutte contre le changement climatique».
La Commission n’hésite pas à écrire: « L’Europe est confrontée à une exploitation sans précédent et non durable de ses ressources naturelles, à des changements importants et potentiellement irréversibles de son climat et à une diminution constante de la biodiversité qui
menacent la stabilité des systèmes vivants dont elle dépend. Cela est aggravé par l’évolution démographique de la planète. Relever ces défis complexes et interdépendants exige donc de développer la recherche et l’innovation pour provoquer des changements rapides, concertés et durables dans le mode de vie et l’utilisation des ressources, à tous les niveaux de la société et de l’économie.
Le bien-être des générations futures dépendront de la manière dont on procédera aux transformations nécessaires.
À plusieurs reprises, la communication de la Commission fait explicitement référence aux potentiels de croissance économique et de création d’emplois portés par la bio-économie. Cependant, elle n'aborde ni ne renseigne trois questions clés : comment et où produire la biomasse requise ? Quels types de biotechnologies seront mobilisés ? Est-ce que le modèle proposé est durable ? Ces questions sont en débat au sein des directions générales de la Commission mais n’apparaissent pas dans les textes officiels relatifs à la bio-économie.
Ainsi, la communication de la Commission européenne de 2012 promeut la bio-économie comme rien moins qu’un projet de transition énergétique, économique et sociale pour une meilleure prise en compte de l’environnement. Pour autant, elle présente la bio-économie d’abord dans une perspective de croissance, d’innovation et de compétitivité.
Cette communication a été essentiellement portée par la Direction de la recherche et de l’innovation et c’est dans le cadre des plans de recherche de l’UE que l’avancée de la bio-économie est supportée en Europe (Programme-cadre 6, Programme-cadre 7 et désormais Horizon 2020 « H2020 » et maintenant 2025). Au sein du nouveau programme de recherche de l’UE, l’ensemble bio-économie-biotechnologies-bio-raffineries bénéficiera de plus de cinq milliards d’euros de soutien.
Parallèlement, l’Union s’est dotée d’un certain nombre d’outils et instances pour accompagner le développement de la bio-économie... Cette promotion de la bio-économie au sein de l’OCDE et de la Commission européenne passe aussi par l’incitation faite aux États membres d’élaborer leurs propres stratégies et de nourrir leurs agendas de recherche nationaux. À ce jour déjà, une dizaine d’États européens ont adopté une stratégie bio-économie: l’Allemagne, la Finlande, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Autriche, la Belgique (Flandres), la Suède, le Danemark et depuis peu l’Espagne se sont dotés de stratégies nationales (voir ci-après l’exemple de la Finlande).

     Schéma2: Bio-économie la prochaine vague économique

IV. Perspectives au niveau planétaire
Dans la communication de 2012 sur la bio-économie, la Commission souligne: «Les problèmes mondiaux exigent des solutions mondiales. La stratégie bioéconomique visera donc à préconiser une approche mondiale en matière d’utilisation plus durable des ressources. Cela consistera notamment à établir une définition internationalement reconnue de la viabilité de la biomasse et des bonnes pratiques pour créer de nouveaux marchés, diversifier la production et aborder les questions relatives à la sécurité alimentaire à long terme».
Plusieurs enjeux convergent : assurer les besoins alimentaires d’une population mondiale de plus de neuf milliards d’individus en 2050 ; contrôler, limiter et réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère pour conduire à un développement neutre au plan carbone ; élaborer des produits de substitution aux synthons d’origine fossile pour sécuriser les approvisionnements de l’industrie chimique ; élargir la gamme des molécules disponibles pour répondre aux besoins de fonctionnalités multiples, tout ceci en restant dans le cadre des exigences écotoxicologiques.
Dans ce contexte, de nombreux pays se sont dotés de stratégies nationales en bio-économie (États-Unis, Russie, Canada, Australie, Brésil, Norvège...). Ces stratégies nationales s’articulent autour des idées de nouvelle croissance, d’opportunités économiques et de création d’emplois et prennent peu en compte les questions de soutenabilité des productions de bio-ressources et d’accès à la biomasse. De rares pays comme la Finlande développent des approches plus durables mais pour une majorité d'entre eux, l’accent est mis sur la production et non sur la renouvelabilité des ressources ...

Conclusion

L’essor d’une économie basée sur un nouveau mode d’utilisation de la biomasse progresse depuis déjà plus d’une décennie. Cette nouvelle approche entend répondre à des enjeux majeurs : réduire les émissions de gaz à effet de serre, diminuer la dépendance aux ressources fossiles tout en assurant les besoins alimentaires et en permettant la production de biens issus de matières renouvelables. Dans la même période, le constat de la nécessité de la préservation des cycles et milieux naturels pour l’avenir de la planète s’est affirmé.
La condition de réussite d'un nouveau modèle est qu’il soit durable, c’est-à-dire soutenable dans le temps d’un point de vue environnemental, social et économique. Les conditions de la durabilité économique et sociale réclament le déploiement d’un cadre d’avenir et une stabilité dans les politiques publiques, une répartition territoriale optimisée par rapport à la localisation des ressources et un partage de la valeur ajoutée entre toutes les parties prenantes. La durabilité environnementale de la bio-économie implique le respect de plusieurs conditions : d’abord des conditions de production de la biomasse qui ne mettent pas en péril les écosystèmes et la biodiversité ; ensuite l’utilisation optimisée et économe de ces ressources, dans une organisation en cascade et recherchant la circularité maximale ; enfin le développement d’un modèle de consommation sobre, réduisant de façon drastique le gaspillage des ressources et des produits.
Le développement d’une bio-économie durable nécessite également de partager l’information, les données, l’évaluation avec tous.tes les acteur.rice.s dont celles de la société civile, pour construire des projets cohérents, résilients et adaptés aux territoires. La mise en place d’instances d’échange et de consultation mais aussi de dispositifs de régulation afin de ne pas outrepasser les capacités des ressources est à cet égard primordiale.
Sur le fond, cela implique que le système économique prenne en compte les capacités de régénération naturelles des bio-ressources utilisées. Cela suppose d’intégrer les cycles biogéochimiques au cœur du raisonnement économique et peut permettre de construire une perspective de modèle durable, qui n’épuise pas ses propres conditions d’existence.
Au-delà, se pose la question de la relation de l’humanité avec la nature, qui mériterait d’être explorée parallèlement: la nature n’est pas seulement un stock de matières destinée aux humains, mais un ensemble vivant aux interactions multiples, qui peut mériter d’être considéré et préservé pour lui-même. La stratégie nationale bio-économie doit ambitionner de répondre à l’ensemble de ces défis, notamment par une approche systémique.
Comme l’indique la stratégie nationale, la bio-économie invite largement à redéfinir les modes de production et de consommation. Elle doit s’accompagner d’une recherche de réduction des gaspillages mais aussi de sobriété. Cette dernière, synonyme hier de privation au niveau individuel et de possible entrave économique au niveau collectif, est aujourd’hui inscrite dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte: elle implique que la recherche de satisfaction des besoins s’oriente vers des approches plus qualitatives que quantitatives. Elle trouve déjà un écho dans les évolutions de la société, dans l’économie fonctionnelle, l’économie collaborative, l’économie circulaire, le développement de circuits de proximité, les recherches sur l’allongement de la durée de vie des produits et de manière plus générale, la recherche d’un usage économe et efficient de l’énergie, les réflexions sur la prospérité sans croissance etc. L’économie de demain dont la bio-économie devrait être un axe majeur est déjà en germe dans les évolutions présentes.
Peu de modèles économiques parviennent à ce jour à livrer une vision d’ensemble des interactions entre l’économie et l’utilisation des ressources, renouvelables ou non. Le Commissariat général au développement durable a présenté en mai 2016 le modèle «Vulcain»: celui-ci a l’ambition de livrer une représentation synthétique de l’économie mondiale et des flux de matières minérales et fossiles qui y sont attachés. Selon ses auteur.e.s, il constitue « un modèle d’équilibre général calculable conçu pour étudier les impacts à moyen et long termes, tant économiques que physiques, de politiques environnementales relatives à l’économie circulaire et à l’énergie.(...) Cette approche est particulièrement innovante et constitue une véritable plus-value par rapport aux modèles existants ». Ce document présente donc « un modèle macroéconomique appliqué et stylisé de l’économie circulaire », dans lequel les flux
de ressources non renouvelables sous leurs différentes formes (matière primaire, déchets, matière secondaire) font partie intégrante de l’équilibre économique...»- Source: Journal Officielle de la République Française, Séance du mardi 28 mars 2017, Cliquez ici
Par: Jean-David Abel et Marc Blanc

Elaboré par: Lobna ZOUAOUI, Ingénieur Data, Responsable  Veille Stratégique et Technologique
& Community Manager- veille@citet.nat.tn

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