Diffusion Sélective de l'Information
du 5 au 19 septembre 2022


 

                                    Les énergies renouvelables marines à l'horizon 2030

«... Les énergies renouvelables marines (EnRM) sont citées comme une des composantes du bouquet énergétique européen dans les objectifs de l’Union européenne. De même, nombre de conférences internationales sur l’avenir de l’environnement y font référence.
On observe quatre justifications majeures d’une réflexion sur le sujet des énergies marines manquant de lisibilité : la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, les risques à court et moyen termes sur l’approvisionnement en hydrocarbures, la nécessité de s’intéresser à toutes les pistes de production énergétique renouvelable, l’utilité de s’interroger sur les impacts de ces nouveaux équipements sur les zones côtières et leurs usages (les impacts environnementaux et l’acceptabilité étant des aspects essentiels).

1- Ressources et technologies au service de la production d’énergies renouvelables d’origine marine
L’énergie éolienne en mer
Il s’agit d’exploiter l’énergie du vent soufflant sur les étendues marines par des éoliennes qui produisent de l’électricité exportée à terre par des câbles sous-marins. Il est envisagé pour le futur d’utiliser des éoliennes flottantes qui seraient ancrées sur le fond et pour lesquelles la limitation de profondeur serait moins contraignante. Elles donneraient accès à une ressource beaucoup plus importante en permettant de s’éloigner des côtes.

L’énergie thermique des mers (ETM)
L’idée consiste à utiliser une différence de température d’au moins 20 °C entre l’eau en profondeur (6 °C en seuil haut) et la surface (26 ° C en seuil bas) pour produire de l’électricité, mais également de l’eau douce, du froid pour la climatisation et des produits dérivés pour l’aquaculture suivant le type de processus (cycle ouvert ou cycle fermé). La ressource mondiale théorique basée sur un gradient de température de 20 °C au moins permettrait de produire environ 80 000 TWh/an dans les zones intertropicales. Cette ressource théorique n’est actuellement exploitable que très partiellement et ponctuellement, en raison de l’absence de zones de consommation électrique, notamment dans la zone intertropicale Pacifique.
Un stockage via l’hydrogène est envisageable à terme. Un autre usage thermique, en zones tempérées, consiste à utiliser l’eau proche de la surface comme source de chaleur pour des installations de chauffage/climatisation par pompe à chaleur.

L’énergie des courants (hydrolienne)
Énergie prédictible et fluctuante, l’énergie cinétique des courants de marée pourrait être de la « semibase ». Tandis que le potentiel techniquement exploitable mondial est estimé à 450 TWh/an, celui de l’Europe serait compris entre 15 et 35 TWh/an, pour quelques 10 GW.
Les sites potentiels sont spécifiques (détroits, caps, goulets… où l’on observe une augmentation des vitesses) et bien identifiés (en France : Raz Blanchard, Fromveur, Raz de Sein, Héaux de Bréhat, Raz de Barfleur… et en Outre Mer : effets de pointe, passes…). Les grands courants marins (Gulf Stream, Kuroshio…) sont également une source potentielle d’énergie marine importante.

L’énergie marémotrice
Le Conseil Mondial de l’Énergie, estime le potentiel mondial pour des sites « classiques à un seul réservoir » à 380 TWh/an pour 160 GW.
Après les 240 MW de la Rance inaugurés en 1966, une centrale de Sihwa (260 MW) a été construite et un projet Garolim (500 MW) a été étudié en Corée du Sud, des études sur la Severn (8,6 GW), intégrant les concepts novateurs de lagons artificiels où les centrales à multiples bassins ont été relancées au Royaume-Uni.

L’énergie des vagues (houlomoteur)
Selon le Conseil Mondial de l’Énergie, environ 10 % de la demande annuelle mondiale en électricité pourrait être couverte par la production houlomotrice, soit un potentiel techniquement exploitable de 1 400 TWh/an.

La biomasse marine
On estime entre 200 000 et un million le nombre d’espèces d’algues existant dans le monde. Cette diversité biologique, répondant à une exceptionnelle adaptabilité, laisse préjuger d’une richesse proportionnelle en molécules originales et en lipides (algo-carburants). Comparativement aux espèces oléagineuses terrestres, les microalgues présentent de nombreuses caractéristiques favorables à une production d’acides gras qui pourraient notamment être mises à profit pour produire des algo-carburants. Les principaux atouts sont un rendement environ 10 fois supérieur en biomasse et l’absence de conflit avec l’eau douce et les terres agricoles.
La production pourrait représenter 20 000 à 60 000 litres d’huile par hectare par an contre 6 000 litres pour l’huile de palme, un des meilleurs rendements terrestres. Il reste à identifier les surfaces mobilisables et travailler sur une diminution des coûts.

L’énergie des gradients de salinité (pression osmotique)
Lorsqu’un fleuve se jette dans la mer, une grande quantité d’énergie est potentiellement libérée en raison de la différence de concentration en sel. Deux méthodes de récupération de cette énergie sont testées : la première est basée sur l’osmose (en Norvège), la seconde sur l’électrodialyse inversée (aux Pays-Bas).
En Norvège, le potentiel de cette technologie est estimé à 10 % des besoins annuels en énergie.

2. Quelles sont les conditions socio-économiques d’émergence et de compétitivité
2.1. Scénarios possibles
Quelles sont les conditions socio-économiques d’émergence et de compétitivité? Cette question est l’objectif premier de l’élaboration des scénarios. Le groupe de travail a élaboré les quatre scénarios volontairement contrastés suivants:
Scénario 1 - Crise, urgence énergétique.
Scénario 2 - Coopération vertueuse par nécessité.
Scénario 3 - Peu d’évolution, chacun pour soi.
Scénario 4 - Développement local autonome.
Dans chaque scénario sont présentées les technologies les mieux adaptées et les plus susceptibles de développement.
Scénario 1 - Crise, urgence énergétique: Le déterminant de ce scénario est le marché dans un contexte de crise énergétique et de compétition économique. L’enjeu majeur est celui de la maîtrise des technologies les plus compétitives et les mieux adaptées via des partenariats stratégiques forts. Comme le soutien politique est faible, les investissements sont le fait de consortiums d’opérateurs privés privilégiant le développement à partir de «démonstrateurs » de taille croissante. Les conflits récurrents dans l’accès à l’espace conduisent à la mise en place de parcs dédiés éventuellement multi-usages. La recherche s’oriente vers l’amélioration technologique, clef de la compétitivité, et la meilleure compréhension des impacts. Ce contexte favorise les technologies éprouvées : l’éolien, le marémoteur et le thermique. En raison de son intérêt stratégique, la biomasse est rapidement développée en extensif. Les systèmes hybrides sont explorés notamment pour optimiser les investissements. Les systèmes appliqués aux vagues et aux courants sont peu ou pas étudiés, faute de rentabilité à court terme.

Scénario 2 - Coopération vertueuse par nécessité: Ici, le déterminant est la volonté politique de durabilité à l’échelle internationale dans un contexte d’extension régulière des accords de Kyoto. La conséquence majeure est celle du soutien à la recherche et aux technologies les moins matures afin de faciliter l’investissement privé et de diversifier les technologies. Ces efforts conduisent à accroître la prise de risque dans de nouvelles technologies et notamment leur hybridation, ce qui conduit aussi à maîtriser le stockage de l’énergie, ouvrant ainsi la voie à des systèmes au large à grande échelle. La recherche travaille à de nouveaux concepts en visant à minimiser les impacts environnementaux. Cette dynamique à l’échelle mondiale fait émerger de multiples technologies : hydroliennes de grande profondeur, lagons artificiels, systèmes houlomoteurs au large (profondeur › 50 m), éoliennes flottantes, énergie thermique en association avec l’aquaculture, biomasse à grande échelle (fabrication intensive à terre, OGM et multi-produits), osmotique (mise au point de membranes économiques avec quelques micro-centrales). Ce foisonnement des technologies favorise les usages hybrides notamment dans les DOM-POM.

Scénario 3 - Peu d’évolution, chacun pour soi: Dans ce scénario, le déterminant est l’intérêt national et la sécurité énergétique dans un contexte de faible coopération mondiale. L’enjeu majeur est celui de la maîtrise des sources d’énergie au plan national alors que montent les tensions et le protectionnisme. Après le Sud, la dégradation du climat fait apparaître des besoins en eau douce au Nord. Le soutien public est donc orienté vers la sécurité énergétique mais à faible coût ce qui a pour conséquence l’absence de renforcement des réseaux pour viser une prise en compte de moyens de production décentralisés et la fin des tarifs de rachat électrique après 2020. Il apparaît des parcs énergétiques dédiés et on observe un développement indépendant des technologies ce qui entraîne une recherche spécialisée par technologie intégrant les impacts sur l’environnement. Cette situation n’entraîne que de faibles développements pour presque toutes les technologies car les investisseurs publics et privés privilégient la sécurité sans prise de risque technologique. Le développement indépendant des technologies freine la recherche des synergies dans les financements comme dans le partage des connaissances dans les études d’impacts.

Scénario 4 - Développement local autonome: Dans ce cas, le déterminant est le développement local avec prise de risque dans un contexte de montée des tensions et du protectionnisme, ainsi que le besoin de sécurité énergétique. Les besoins en eau douce au Nord, en plus de ceux du Sud, justifient à la fois ces technologies et l’initiative décentralisée. Les biocarburants en intensif (photoréacteurs) deviennent rentables (arrêt de la défiscalisation vers 2015) et le soutien public (via les régions) vise à stimuler autant la maîtrise des technologies que la compétitivité. Cette dynamique entraîne le renforcement des réseaux électriques pour prendre en compte les moyens de production décentralisés et un développement différencié des technologies selon les régions et leurs atouts spécifiques. La recherche contribue à la mise au point des technologies (opportunités locales) et accompagne le lancement de démonstrateurs locaux. Cette évolution, et la prise de risques afférente, implique un fort investissement des décideurs politiques afin de faciliter l’acceptabilité sociale des expérimentations. La conséquence sur les technologies est l’apparition d’un marché de niches avec un effet d’échelle uniquement au niveau mondial. L’éolien, le thermique et la biomasse atteignent des niveaux de développement industriels, tandis que les autres technologies se développent localement à petite échelle. La recherche reste parcellaire, très focalisée sur les contraintes locales avec un rôle premier pour les universités du littoral soutenues par les régions.

2.2. Conditions d’émergence considérées dans les scénarios possibles
L’exercice de prospective n’a pas l’ambition de décrire ce que sera demain, mais de proposer un éventail de futurs possibles en choisissant les plus contrastés. À l’étape de construction des micro-scénarios, le groupe de travail a repéré les facteurs (appelés « leviers ») qui permettent aux différents sous-systèmes d’évoluer d’une configuration à une autre. Ainsi, à l’étape des macro-scénarios peuvent être déduits de cet exercice les facteurs qui favorisent ou au contraire freinent le développement des énergies renouvelables marines ou leurs conditions de développement.

Les éléments du contexte mondial, européen et national

Dans les éléments de contexte mondial, un accord sur le climat (type Kyoto II), avec des engagements de réduction des gaz à effet de serre pour diviser par deux les émissions mondiales à l’horizon 2050, accélèrerait très probablement le développement des énergies renouvelables dont les énergies marines.
Le cas le plus favorable serait qu’un tel accord voit le jour rapidement pour laisser du temps au soutien politique et financier et au développement technique et industriel des technologies marines grâce à la recherche. En l’absence d’un tel accord mondial, l’accroissement des tensions dans le domaine de l’énergie (prix, risques de rupture dans l’approvisionnement) ou la perception aiguë des risques climatiques sont aussi des facteurs qui pourraient contribuer à davantage de coopérations technologiques entre régions du monde pour développer de nouvelles sources d’énergie.
En termes de politique européenne et de politique nationale sur l’énergie, les conditions favorables au développement des énergies renouvelables marines relèvent à la fois du soutien aux filières énergétiques et de la coopération des acteurs tant institutionnels qu’opérateurs de la production énergétique. Plus la politique de soutien aux énergies renouvelables sera diversifiée entre les technologies matures et celles qui le sont moins, plus se développera une variété importante de technologies marines, voire de technologies hybrides.
Sans ce soutien diversifié, le risque serait de rechercher d’emblée une standardisation des solutions technologiques d’énergies renouvelables dans une logique d’effets d’échelle. Dans cette dernière hypothèse, il serait alors difficile d’élaborer des solutions adaptées à la diversité des spécificités locales et des ressources. La coopération européenne apparaît comme un puissant levier de développement de ces technologies, tant en termes d’outils de planification des zones marines et d’identification des ressources disponibles à l’échelle européenne qu’en termes de partage de connaissances sur les impacts des premières expérimentations de technologies marines. En effet, cette coopération permettrait : aux opérateurs de construire une stratégie de développement industriel à l’échelle européenne, éventuellement en partenariat, tout en assurant un progrès continu sur la technologie ou sur la façon de l’implanter, de fournir des outils pour améliorer le dialogue avec les populations littorales auxquelles un projet d’implantation d’EnRM serait proposé :
• la mise en perspective de l’exploitation d’une ressource locale au regard des ressources européennes et des retours d’expériences ailleurs, tant positifs que négatifs, en intégrant d’emblée les populations locales, faciliterait considérablement l’acceptabilité sociale,
• l’implication des chercheurs dans la concertation avec la population serait susceptible d’être aussi un facteur de succès car ces experts ne sont pas juges et partis dans le projet industriel et peuvent apporter un regard extérieur.
À l’heure actuelle, les études d’impacts et le suivi environnemental demeurent coûteux et participent de manière importante à la prise de risque des développeurs de projets. Cet élément explique, entre autres, la faible émergence de projets innovants.

Des initiatives intéressantes

Il existe des expériences étrangères intéressantes en matière de capitalisation des impacts et/ou de cofinancement. Le Danemark est pionnier dans le domaine du monitoring des impacts liés à ces aménagements énergétiques en mer. En effet, les parcs de Horns Rev et de Nysted ont fait l’objet d’un programme intégré de suivi environnemental dont les résultats ont été communiqués lors de la conférence d’Helsingor. Ces parcs ont également fait l’objet d’une étude d’impact dont un résumé non technique est disponible sur les sites internet des parcs. Le programme de suivi a démarré en 1999, les études environnementales ont bénéficié d’un budget de 11 millions d’euros, financé par les consommateurs danois au titre d’une obligation de service public. Différents thèmes ont été explorés : aspects géophysiques et benthos, poissons, mammifères marins, oiseaux et effets socio-économiques.
Ce programme de suivi a été coordonné par le Danish Environmental Group, qui regroupe des partenaires privés et publics et les résultats ont été évalués par un panel d’experts internationaux (IAPEME) et des discussions furent régulièrement menées avec des représentants d’associations.
Le Royaume-Uni a également mis en place une structure unique en Europe, dédiée à la recherche et à l’amélioration des connaissances sur les impacts de l’éolien offshore sur l’environnement : le COWRIE (Collaborative Offshore Wind Research into the Environment). Créé en 2001 par le Crown Estate, lors de l’annonce du lancement du premier Round éolien, les fonds déposés par les 18 porteurs de projet ont servi à mettre en place le COWRIE et sont utilisés pour mener une série d’études environnementales (impacts négatifs et positifs). Un comité de pilotage réunissant différents experts du milieu marin et des personnalités qualifiées (Ministères, BWEA, RSPB, industriels du Round 1…) détermine quels types de recherches doivent être menés. Cet organisme mène des recherches en toute indépendance par rapport au Gouvernement et la présence des industriels a favorisé son bon fonctionnement. Le même système de droit d’entrée payé par les porteurs de projet lauréats fut appliqué lors du Round 2 en 2003. L’un des objectifs importants du COWRIE est d’assurer une large diffusion des résultats obtenus. Les études menées ont permis d’améliorer la connaissance des impacts environnementaux potentiels et surtout de publier des documents guides (bonnes pratiques) à destination des industriels afin de s’assurer qu’ils minimisent ces impacts. Les cinq thèmes de recherche prioritaires sont : oiseaux et benthos, champs électromagnétiques, méthodologie d’études des oiseaux marins, techniques de télésurveillance, bruits sous-marins et vibration. Le ministère de l’environnement (DEFRA) et celui de l’industrie (BERR, ex-DTI) financent également des projets de recherche sur l’éolien offshore et l’environnement. Trois projets sont menés par exemple par le CEFAS (Center for Environment, Fisheries and Aquaculture Science). Ils portent sur l’évaluation des modifications dans le régime des vagues, le développement de guides pour le suivi des transports sédimentaires et la recherche des impacts socio-économiques sur l’industrie de la pêche. D’autres pays, comme l’Allemagne, développent des plates-formes technologiques, notamment dans l’éolien. Ces actions peuvent permettre de faciliter l’émergence des énergies renouvelables marines mais aussi de progresser positivement et dans un souci de capitalisation et de diffusion des connaissances sur leurs impacts en mer. Ainsi, l’ADEME, en collaboration avec l’Ifremer, a réalisé en 2006/2007 une étude sur les stratégies nationales de développement et de gestion des impacts des énergies renouvelables marines en Europe.
Un manuel préliminaire d’étude d’impact sur l’environnement des parcs éoliens en mer, élaboré par l’ADEME, vise à jeter les bases d’un futur guide d’études d’impact des parcs éoliens offshore, qui pourrait être étendu aux différentes énergies marines. Il est déstiné aux porteurs de projets, à l’instar de celui publié pour les parcs éoliens terrestres. Une nécessaire mutualisation des compétences et coopération La coopération des acteurs industriels avec ceux de la recherche et d’autres activités marines, apparaît nécessaire pour optimiser la production énergétique si celle-ci doit se concentrer dans des espaces dédiés pour éviter des conflits avec d’autres usages de la mer. En effet, la production au mètre carré occupé et le coût de maintenance peuvent être améliorés par la recherche de complémentarités sur la zone, ou à proximité, entre plusieurs technologies énergétiques ou entre une technologie de l’énergie et une autre activité comme l’aquaculture.
La recherche de synergies entre activités peut permettre d’améliorer la compétitivité des technologies par une mutualisation des études comme des coûts (entretien, câbles pour ramener l’énergie à terre). Or, les acteurs industriels, en raison de leur histoire propre, tendent à se spécialiser sur une technologie pour laquelle ils sont experts. La mutualisation de compétences et la coopération n’est pas une démarche naturelle. Les pouvoirs publics et les acteurs de la recherche en mer peuvent contribuer à faciliter le rapprochement et surtout la compréhension mutuelle de plusieurs parties prenantes sur un même projet. Des évolutions technologiques indispensables Enfin, un certain nombre d’évolutions technologiques faciliterait aussi le développement des énergies renouvelables marines. L’évolution la plus importante au vu de la rupture qu’elle génère est le stockage de l’énergie, car il permet de profiter pleinement du potentiel d’énergies intermittentes et variables comme le vent ou les vagues. Stocker la production électrique plus permanente ou prévisible d’autres ressources, quand la demande électrique est faible, changerait aussi considérablement le potentiel exploitable de nombreuses ressources énergétiques (c’està-dire toutes les énergies renouvelables sauf la biomasse, qui se stocke, mais aussi le nucléaire). Une voie possible est de stocker de l’hydrogène produit par électrolyse de l’eau. L’hydrogène peut être ensuite converti en électricité à l’aide de pile à combustible ou en énergie mécanique via un moteur. Le verrou sur ce vecteur énergétique est davantage dans la logistique (stockage, transport, source d’énergie pour sa production) que dans sa consommation (il reste cependant le problème de la gestion d’un gaz volatil difficile à liquéfier et très inflammable). Un second intérêt majeur de la production d’hydrogène par les énergies renouvelables marines est que les installations de production pourraient alors s’éloigner des côtes, ce qui augmenterait la ressource exploitable et limiterait les risques de conflits d’usages. Des sites d’exploitation éloignés, l’hydrogène produit en mer pourrait alors être transporté dans des navires spécialisés. D’autres solutions sont aussi à l’étude comme le stockage électrochimique à grande échelle.
Par ailleurs, le stockage électrique pour de courtes périodes (de quelques secondes à quelques heures en recourant à diverses techniques allant des supercondensateurs à l’hydro-pneumatique) améliorerait la qualité du courant et la gestion d’énergies intermittentes sur le réseau. Un autre levier pour promouvoir le développement et la compétitivité de ces technologies est l’hybridation des technologies (illustrée dans le scénario 2) : tant la création de technologies mixtes exploitant par exemple l’énergie thermique des mers et l’énergie des vagues que la recherche de technologies couplées à l’énergie solaire ou à une activité comme l’aquaculture en mer. Mais le préalable à la mise au point de technologies hybrides sera souvent, pour deux expertises industrielles et de recherche différentes, la nécessité de coopérer. Enfin, améliorer la fiabilité des technologies pour limiter les interventions d’entretien apparaît comme un enjeu fondamental de leur compétitivité à court et moyen terme, ceci d’autant plus, qu’outre le coût d’intervention, les conditions de mer peuvent empêcher temporairement d’intervenir. Cela concerne les systèmes mais aussi les ancrages car les dispositifs devront être conçus et réalisés pour supporter des conditions de mer extrêmes.

3- Conséquences des scénarios possibles sur le développement des technologies
Deux types d’analyse ont été menés sur les conséquences des quatre scénarios possibles sur le développement des technologies : qualitative sur le développement en fonction des conditions retenues par scénario, quantitative avec fourniture, pour chaque scénario, d’un ordre de grandeur chiffré de la capacité installée de chaque technologie et de ses produits (TWh électriques pour l’électricité, TWh thermiques et TWh électriques économisés pour la climatisation, volume d’eau douce).
Analyse qualitative
Méthode: Trois paramètres ont été pris en compte pour évaluer le potentiel de développement des différentes technologies:
1 - La ressource: pour la production éolienne et houlomotrice, elle est intermittente et variable, ce qui est aujourd’hui une difficulté pour la production d’électricité. Mais les progrès réalisés dans la prévision grâce aux modèles utilisant notamment des données satellitaires faciliteront la gestion de leurs apports aux réseaux.
2 - La possibilité d’utiliser la technologie en synergie avec un autre usage : l’énergie thermique des mers peut remonter des profondeurs des nutriments pour l’aquaculture, le lagon artificiel marémoteur peut aussi intégrer une activité aquacole, les houlomotrices peuvent, dans certaines configurations, agir en brise-lame vis-à-vis de la côte, les éoliennes peuvent être associées, à proximité, à des installations aquacoles (filières conchylicoles) ou encore, lorsqu’elles seront amenées à se développer sur des aires marines protégées, contribuer aux mesures de gestion des zones Natura 2000 via la contractualisation. Il convient toutefois de préciser que les aires marines protégées regroupent différents types de zones qui ont des degrés de protection différents.
3 - La possibilité de faire cohabiter certaines de ces technologies dans des parcs dédiés (scénario 1) ou d’hybrider les technologies (scénario 2).
Filières: L’énergie éolienne en mer est celle qui contribue le plus à la production électrique quel que soit le scénario. La maturité de cette technologie en Europe et son potentiel de ressources, notamment dans l’hémisphère Nord, contribuent à expliquer cette place. C’est à l’évidence la technologie la plus proche de la rentabilité commerciale. Cette maturité permet aussi d’oser des chiffres de production importants, bien plus que sur d’autres technologies encore à l’état de prototype aujourd’hui. Le développement de cette technologie va être confronté aux enjeux liés aux impacts environnementaux et aux multiples usages de l’espace marin à proximité des côtes.
De nouveaux concepts destinés à permettre de s’éloigner des côtes, comme des structures flottantes, sont d’ores et déjà étudiés.
L’énergie thermique des mers (ETM) a l’avantage de permettre tant la climatisation que la production d’eau et d’électricité ce qui lui donne un atout considérable en termes d’usages. Mais elle n’est exploitable pour tous ces usages que sous les tropiques. En zones tempérées, elle ne peut être utilisée que pour le chauffage/la climatisation comme source thermique d’une pompe à chaleur.
L’énergie des courants (hydrolien) a un potentiel moindre en Europe que d’autres technologies. Si les hydroliennes parviennent à être totalement sous-marines elles peuvent s’implanter dans des zones de passage maritime où il sera difficile d’implanter d’autres énergies marines ou d’autres activités. Par ailleurs la technologie est relativement connue et peut, pour certains concepts, bénéficier de l’expérience acquise dans le développement d’hydroliennes fluviales. Le développement ne devrait requérir que du progrès technologique incrémental bien que les contraintes d’installation (ancrage) et maintenance nécessiteront le développement de solutions innovantes.
L’énergie marémotrice, captée en barrant un estuaire, est connue mais présente l’inconvénient d’affecter les écosystèmes humides. Pour pallier cet inconvénient, une autre solution envisagée à l’avenir serait de construire un lagon artificiel en mer. Mais comme pour le barrage, il s’agit d’infrastructures lourdes, qui ont également des impacts sur l’environnement et sur les activités en place et qui se justifient en terme d’investissement à partir d’une puissance minimum d’installation à dimension plus industrielle qu’expérimentale – de l’ordre de quelques centaines de MW.
L’énergie des vagues est une ressource bien répartie entre les deux hémisphères et dont le potentiel est élevé en comparaison de la plupart des ressources marines étudiées ici. La difficulté majeure de cette technologie est son caractère novateur : pour l’imposer, ses développeurs vont devoir confirmer leur capacité à réaliser une rupture technologique. Les systèmes qui auront démontré leur fiabilité mais aussi conçus pour la survie en mer lors des conditions extrêmes s’imposeront. Par ailleurs, bien que peu sensible au risque d’impact paysager, l’espace occupé en surface pour exploiter cette énergie devra tenir compte du risque de conflits d’usages avec d’autres activités. Toutefois la capacité d’installation au km² est supérieure à celle de l’éolien (30 MW/km² pour vagues et courants contre 6 à 10 MW/km² pour éolien marin).
L’utilisation de la biomasse marine issue de la culture de microalgues présente des atouts forts pour produire des biocarburants : croissance rapide, rendement et capacité de capture de CO2 élevés (au moins 10 fois ceux des meilleures plantes terrestres), pas de conflit avec la production alimentaire. Cependant sa culture extensive dans des lagunes est limitée en Europe par l’espace disponible et peut présenter un risque de prolifération. Les risques, évoqués récemment, de contribution des agrocarburants à l’augmentation de l’effet de serres, sont vraisemblablement applicables aux microalgues même si cette donnée scientifique n’a pas encore été documentée.
La culture intensive à terre dans des structures verticales transparentes et le progrès en matièrede maîtrise des biotechnologies (OGM) permettent d’envisager des rendements à l’hectare très élevés. Ces investissements dans les biotechnologies sont aussi justifiés à moyen terme pour la production de molécules dans le domaine médical (pharmacie) ou dans l’agroalimentaire.
Dans les scénarios envisagés, les chiffres de production de biocarburants d’origine marine en France restent faibles. L’évolution des prix relatifs des énergies pourrait susciter l’intérêt industriel pour l’usage des biotechnologies. En production extensive, les pays disposant de grandes surfaces lagunaires pourraient devenir d’importants producteurs de carburant.
L’énergie des gradients de salinité (pression osmotique) est, de toutes les technologies envisagées, la moins mature en raison de la difficulté de mettre au point une membrane semi-perméable performante. De plus, pour utiliser cette ressource, la nécessité de disposer à la fois d’eau douce et d’eau salée limite les zones d’implantation possible si l’on cherche à réduire les risques de conflits. Enfin, la demande en eau douce ne cessant de croître, un sous-produit comme l’eau saumâtre n’a pas d’intérêt, au contraire.

4 - Intégration environnementale : quels impacts et quels risques de ces technologies sur les énergies et l'environnement ?
La connaissance des impacts environnementaux constitue une dimension essentielle de l’insertion des équipements d’EnRM dans les zones côtières. Celles-ci sont le siège d’un grand nombre d’usages concurrents qui exploitent, eux aussi, les ressources physiques et biologiques du milieu marin. Une bonne gestion de ces usages dépend d’une analyse de leurs impacts.
En l’occurrence, les impacts environnementaux sont particulièrement difficiles à évaluer car il n’y a pas assez de retour d’expérience (hors éolien et marémoteur), surtout sur les effets cumulatifs, les technologies étant au stade de prototype. Par ailleurs, les perturbations du milieu risquent d’être englobées dans la variabilité générale, notamment celle entraînée par le changement climatique à l’horizon 2030.
Il est avéré que la technologie marémotrice avec barrage dans un estuaire altère le fonctionnement de l’écosystème. Pour les autres technologies envisagées, il n’est possible que de faire des hypothèses sur les risques possibles.
L’exploitation de courants permanents pourrait modifier ces flux et les mouvements sédimentaires qui leur sont liés. L’exploitation extensive de microalgues, si elle n’est pas faite avec précaution, pourrait conduire à une prolifération incontrôlée de ces microorganismes.
En revanche, l’installation de structures en mer (lagon, éoliennes…) peut créer un effet « récif » sur des fonds sableux et favoriser la présence de poissons, voire la constitution d’écosystèmes originaux. Les impacts écologiques des lagons artificiels marémoteurs restent à étudier. Les connaissances sur l’évolution des écosystèmes associés aux infrastructures progresseraient comme le montre l’amélioration des connaissances ornithologiques marines permise grâce aux études d’impact et aux suivis réalisés sur les premiers parcs éoliens marins (cf. expérience danoise).
En conséquence, il apparaîtra une demande soutenue sur les impacts des différentes technologies sur le milieu, avec des interrogations spécifiques pour les systèmes hybrides, pour lesquels on peut anticiper des effets croisés et non additifs, comme par exemple pour la combinaison éolien/houlomoteur ou thermique/biomasse.
De même, les études seront à mener sous toutes les latitudes car le fouling en mer du Nord est très différent en composition comme en évolution de celui des zones tropicales (rôle important des coraux et des mollusques colonisateurs qui alourdissent structures et ancrages).
Compte tenu de la durée et de la complexité des études, il serait légitime que ces études soient soutenues par la communauté internationale via les commissions spécialisées des Nations Unies (PNUE, PNUD, FAO…) ou l’Europe, voire des commissions régionales ou des organisations mixtes type UICN....»- Source: https://wwz.ifremer.fr/cop/content/download/15287/file/Ifremer_synthese-etude-prospective-EnRM.pdf Cliquez ici

Elaboré par: Lobna ZOUAOUI, Ingénieur Data, Responsable  Veille Stratégique et Technologique
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Vérifié par: Noura KHIARI, Chef du Service Documentation, Information, Edition et Marketing- cdi1@citet.nat.tn

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