Diffusion Sélective de l'Information 
Le 04/01/2024                                                                     

                                       COP 28 : un engagement reconfirmé de la Tunisie pour les enjeux climatiques 


Sommaire
Contexte

Principaux enjeux de la COP28
Enjeux de la COP28 pour la Tunisie
Enjeux de la COP28 pour les droits humains
Ce qu’il faut retenir de la COP28

 

Contexte
La Tunisie, pays d’Afrique du Nord, est de plus en plus touchée par les conséquences du changement climatique mondial. Afin de lutter contre l’augmentation des émissions, le pays s’est fixé des objectifs ambitieux dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. La contribution déterminée au niveau national (CDN) de la Tunisie prévoit de réduire les émissions de CO2 de 41 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 2010.
C’est pourquoi la Tunisie intensifie ses efforts visant à transformer son économie en adoptant une stratégie sobre en carbone et tournée vers l’avenir. Le gouvernement tunisien prévoit, par exemple, de considérablement réduire les émissions dans les secteurs de l’énergie, des transports, de l’industrie, de l’agriculture, des déchets et des eaux usées. Avec une part avoisinant les 14 % des émissions totales du pays, la production de ciment présente incontestablement un fort potentiel de réduction d’émissions. Le recours à des mécanismes de marché nationaux et internationaux et la tarification du CO2 sont susceptibles de constituer une solution efficace pour endiguer les émissions de gaz à effet de serre du pays.
En vue de cela, les décideurs publics et privés créent les structures et les procédures nécessaires à la mise en œuvre des dispositions de l’article 6 de l’Accord de Paris sur le climat et participent à des négociations internationales portant sur de nouveaux marchés du carbone. D’où la participation de la délégation tunisienne avec les délégations du monde entier à la 28ème Conférence des Parties sur le Climat de l'ONU (COP28) en vue d’élaborer des stratégies cruciales visant à atténuer les effets dévastateurs du changement climatique.
A cet effet, la délégation Tunisienne, en coordination avec le Centre International des Technologies de l’Environnement de Tunisie (CITET), l’Agence Tunisienne de l’Investissement extérieur FIPA, et l’Agence Allemande pour la Coopération Internationale (GIZ) a organisé le samedi 2 décembre 2023, un évènement parallèle portant sur l'importance de l'innovation technologique et de l'entrepreneuriat vert en Tunisie comme catalyseurs de la lutte contre les changements climatiques. Cet atelier de travail a été axé sur l’examen des difficultés et défis confrontés par les entreprises vertes ainsi que les différentes opportunités offertes en Tunisie dans le cadre du transfert vers une économie verte et un développement durable. Notamment, des startups Tunisiennes ont présenté leurs produits et services et technologies novatrices de lutte contre les changements climatiques.
Par ailleurs, la Tunisie a pris des engagements significatifs à l’horizon 2030, avec une attention particulière portée sur la résilience alimentaire, une priorité essentielle pour faire face aux défis climatiques. Ainsi, l’agriculture, pilier fondamental de l’économie tunisienne, est au cœur de ces engagements. La Tunisie vise à promouvoir une agriculture pluviale et irriguée résiliente face aux effets inévitables du changement climatique. Cela implique l’adoption de pratiques agricoles plus intelligentes et durables pour garantir une production alimentaire constante et de qualité, malgré les défis climatiques.
La gestion durable des forêts et la restauration des paysages forestiers et pastoraux dégradés sont également des points majeurs de l’agenda tunisien.
La Tunisie reconnaît l’importance cruciale des écosystèmes forestiers pour maintenir l’équilibre écologique et s’engage à restaurer les zones dégradées, renforçant ainsi la biodiversité et contribuant à l’atténuation des changements climatiques.
En outre, la Tunisie s’efforce de valoriser au maximum les ressources naturelles, anticipant ainsi la transition vers une agriculture résiliente au stress hydrique et sobre en carbone. Cette approche intégrée vise à garantir une utilisation efficace des ressources, minimisant l’impact environnemental tout en assurant la sécurité alimentaire.

Enjeux de la COP28
Face à une urgence climatique alertant une hausse des températures ainsi qu’une hausse du niveau des mers et fonte des glaces, la COP28 qui s’est déroulé du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï, aux Émirats Arabes, a été attendue pour tirer le premier bilan mondial de l’Accord de Paris. Elle a été censée forger un consensus, que ce soit sur les conséquences à tirer du bilan mondial, la sortie des énergies fossiles, l’objectif mondial d’adaptation, la création du fonds de réponse aux pertes et préjudices ou les financements climat à destination des pays en développement.
Cette COP28 devait répondre à cinq grands enjeux :
1. Le premier bilan mondial
tirer les enseignements des résultats atteints depuis l’Accord de Paris de 2015 pour fixer un nouveau cap dans l’action climatique des pays et corriger la trajectoire vers les objectifs de long-terme fixés lors de la COP21, en particulier rendre possible la limitation de la hausse de température à 1,5 °C.
2. L’ambition en matière de transition énergétique
accélérer la sortie des énergies fossiles (au premier titre desquels le charbon) et lier celle-ci à des objectifs mondiaux de déploiement d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique, ainsi que la promotion de toutes les énergies non fossiles comme solutions à la crise climatique afin de réaliser un véritable tournant dans la décarbonation des économies. La Tunisie, en vue de sortir du charbon avant 2030, grâce à la conversion de centrales à des solutions décarbonées, a développé une stratégie énergétique nationale à l’horizon 2030 visant à atteindre une production de 35% d’électricité à partir des énergies renouvelables, et projetant de réduire l’intensité carbone dans le pays de 46% d’ici, 2030, sachant que trois quarts des efforts de réduction doivent provenir du secteur de l’énergie. Ainsi, la Tunisie projette de finaliser le projet de connexion électrique avec l’Italie avant fin 2027 Une station de transfert d’énergie de pompage (STEP) sera opérationnelle d’ici 2029, sur l’Oued El Melah, pour la production de 400 à 600 MW d’hydroélectricité, indique la Société tunisienne d’électricité et de gaz (Steg), le maître d’œuvre du projet.
Une fois opérationnelle, la station permettra d’économiser 250 Ktep de carburant par an et d’éviter 525 000 tonnes de CO2 par an.
3. Les pertes et préjudices
concrétiser l’accord obtenu à la COP27 de mettre en place de nouveaux arrangements financiers et un fonds pour les pertes et préjudices ; et engager des solutions structurelles telles que l’adoption de clauses de résilience climatique dans les prêts, l’allocation de droits de tirage spéciaux, le partenariat avec les assurances privées, etc.
4. L’adaptation au changement climatique
définir des actions robustes et rapides pour réduire la vulnérabilité et répondre aux besoins d’adaptation face aux effets du changement climatique dont la multiplication des aléas climatiques extrêmes.
5. La finance climat
mobiliser plus de financements dans le cadre de la solidarité climatique avec les pays en développement et transformer le paradigme de la finance pour aligner tous les flux financiers avec les objectifs d’atténuation et d’adaptation, à commencer par l’élimination des subventions aux énergies fossiles.

Principaux enjeux de la COP28 pour la Tunisie
La Tunisie a toujours participé activement aux COP de la Convention climatique. Dans les négociations, la Tunisie s’est souvent positionnée dans le bloc Afrique. Dont les principales revendications sont : l’application stricte du principe de responsabilités communes mais différenciées, le droit des pays en développement et des pays les moins avancés à des transferts de fonds et de technologies pour s’adapter et pour se développer à moindres émissions de carbone.
Aujourd’hui, la Tunisie est confrontée à une crise multiple : baisse de la croissance économique, déficit énergétique, déficit budgétaire, chômage des jeunes, etc. Les engagements climatiques pris par la Tunisie, dans le cadre de sa Contribution Déterminée au niveau National (CDN) sur la période 2021-2030, l’adoption par le gouvernement en début de cette année d’une stratégie de transition écologique et d’une stratégie de développement neutre en carbone et résilient au changement climatique à l’horizon 2050 représentent un besoin de financement colossal : près de 20 milliards de dollars US jusqu’en 2030, soit une moyenne de 2 milliards USD annuellement. De tels financements, s’ils sont acquis, constituent une formidable opportunité. Ils contribuent à créer une dynamique nouvelle de croissance « verte » et de création d’emplois, tout en atténuant les impacts environnementaux et climatiques. Toutefois, plus de 80% de ce besoin de financement ne pourra être mobilisé qu’à travers la coopération bilatérale et multilatérale, et en partie sur les marchés de carbone.
La COP n’est pas une foire à distribuer des fonds. Elle est avant tout une arène de négociations, où la décision se prend à l’arrachée. Néanmoins, la participation tunisienne est une opportunité pour faire connaître à la communauté des bailleurs de fonds, aux pays partenaires et aux représentants du secteur privé international, les engagements du pays et les opportunités d’investissements verts. En outre, la délégation tunisienne défend la position du groupe Afrique et des pays les moins avancés lors d’une COP supposée avoir à son ordre du jour la question de la mise en œuvre du fonds de dommages et préjudices.

Enjeux de la COP28 pour les droits humains
En mars 2023, le GIEC, la principale autorité mondiale en matière de science du climat, a confirmé que le monde se réchauffe à des niveaux record et a averti que les gouvernements ne prennent pas de mesures suffisantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il a exhorté les gouvernements à réduire les émissions en abandonnant progressivement les combustibles fossiles, en mettant un terme à la déforestation et en développant les énergies renouvelables.
Cette année, si les gouvernements veulent remplir leur obligation, en matière de droits humains, de lutter contre le changement climatique, ils devraient s’engager à inscrire dans les conclusions de la COP28 leur engagement à éliminer progressivement, de manière équitable et dans le respect des droits, tous les combustibles fossiles. Les gouvernements doivent également assurer une transition juste et équitable vers les énergies renouvelables et aider les populations à s’adapter à l’impact de la crise climatique.
Les gouvernements participants à la COP28 devraient s’engager à ne plus autoriser aucun nouveau projet lié aux énergies fossiles. De plus, ils devraient mettre fin à toute forme de soutien, notamment sous la forme de subventions et de financements internationaux, à l’exploitation de pétrole, de gaz et de charbon afin de réduire rapidement les émissions de CO2 et de limiter les conséquences du changement climatique sur les droits humains.
Les gouvernements devraient également s’engager à protéger les droits des communautés directement touchées par l’exploitation de combustibles fossiles, notamment les personnes travaillant et vivant dans et autour de sites d’exploitation, de production, d’entreposage, de transport, de raffinement, d’utilisation et d’élimination de combustibles fossiles. Ils devraient en outre garantir leur participation et leur représentation dans la prise de décision sur les activités liées aux combustibles fossiles et au changement climatique. Il est particulièrement important d’assurer la participation des groupes historiquement exclus, tels que les personnes handicapées.
Il y a deux ans, lors de la COP26 à Glasgow, les gouvernements se sont engagés à réduire progressivement l’utilisation du charbon, et l’année dernière, lors de la COP27 en Égypte, un groupe de 81 pays a tenté, en vain, d’inclure l’élimination progressive de tous les combustibles fossiles dans le texte du document final.

Ce qu’il faut retenir de la COP28
Que retenir de la COP28 ? Outre l'appel à abandonner les énergies fossiles, le sommet de Dubaï a permis d'avancer sur les pertes et dommages, la prise en compte de l'agriculture ou encore les énergies renouvelables. Il a en revanche échoué à avancer sur les financements, l'adaptation ou encore les marchés carbone.
1. La fin de l’ère des énergies fossiles
Pour la première fois de l’histoire des négociations climatiques, l’accord final a appelé les pays à abandonner les énergies fossiles.
2. L’avènement des énergies renouvelables
Le pendant de cet abandon des énergies fossiles est l’essor des énergies renouvelables (ENR). L’accord de Dubaï acte ainsi le triplement des capacités d’énergies renouvelables et le doublement de l’efficacité énergétique d’ici 2030, sans toutefois fixer d’objectifs chiffrés. En marge des négociations, une coalition de 123 pays s’est engagée à porter les capacités d’ENR à au moins 11 000 gigawatts d’ici 2030 et le taux annuel moyen mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique d’environ 2% à plus de 4% chaque année jusqu’en 2030. À noter toutefois l’absence de deux géants, l’Inde et la Chine, pourtant très bien positionnés sur les énergies renouvelables, mais refroidis sur la place donnée au charbon dans la coalition. Celle-ci appelle notamment à ne plus investir dans de nouvelles centrales à charbon non adossées à des systèmes de captage et stockage de CO2. Une marche trop haute pour les deux pays…
3. Concrétisation du fonds pertes et dommages
Des fonds pertes et dommages, dont la naissance avait été actée à la COP27, après trente ans de bataille de la part des pays du Sud, ont été opérationnalisés dès l’ouverture de la COP avec 100 millions de dollars promises par les Émirats arabes unis suivis d’environ 800 millions de dollars engagés par des pays développés uniquement, sauf qu’il faudrait mille fois plus pour répondre aux besoins réels liés aux pertes et dommages. Ainsi, un manque de financements dans tous les domaines de la lutte climatique (transition énergétique, adaptation et pertes et dommages) marquera cette fin de COP.
4. L’agriculture enfin à la table des négos
Pour la première fois, l’alimentation et l’agriculture sont mentionnées dans l’accord final de la COP et une journée thématique a été organisée à Dubaï. Si les énergies fossiles sont responsables de la grande majorité des émissions de gaz à effet de serre, les systèmes alimentaires contribuent quant à eux à un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre. En marge des négociations, 158 pays ont signé la Déclaration alimentaire des Émirats et se sont engagés à prendre en compte les émissions de ce secteur dans leurs contributions nationales déterminées d’ici-là COP30 au Brésil en 2025. Plus de 3 milliards de dollars de financement climatique ont également été promis et la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture) a publié pendant la COP sa feuille de route pour aligner le secteur sur l’objectif 1,5°C. Un premier exercice salué mais appelé à évoluer car il ne mentionne pas par exemple parmi les solutions la réduction de la consommation de viande et de produits laitiers dans les pays riches notamment et mise beaucoup sur des solutions technologiques.
5. Rejet du texte encadrant les marchés carbone
Cette fois encore, les pays n’ont pas réussi à s’entendre sur les règles permettant d’encadrer la création de marchés carbone sous l’égide de l’Onu (article 6 de l’Accord de Paris) car les options sur la table n’étaient pas assez ambitieuses. Cela concerne les échanges de crédits carbone entre États (article 6.2) et entre États et entreprises (article 6.4).
La définition des activités d’absorption pouvant rentrer dans ces marchés carbone était également jugée trop large, ouvrant la porte à la géo-ingénierie, à la fertilisation des océans…
"L’absence d’accord évite de reproduire les erreurs du marché volontaire du carbone et d’envoyer un mauvais signal aux entreprises et aux pays qui cherchent à contourner leurs responsabilités climatiques", a également réagi Gilles Dufrasne, responsable politique des marchés mondiaux du carbone au sein de Carbon Market Watch. Plusieurs pays et acteurs du secteur privé misent sur ces marchés carbone et ont déjà conclu des accords préliminaires. Notamment, la Tunisie s’est déjà investie depuis 2018 dans le projet « marché mondial de carbone » qui, afin d’aider les acteurs publics et privés à recourir à des mécanismes de marché nationaux et internationaux réduisant les émissions, analyse les potentiels de réduction d’émissions à l’échelle nationale dans différents secteurs économiques, tels que l’industrie du ciment à fortes émissions de CO2, qui se prêtent au pilotage de mécanismes de marché nationaux et internationaux. Ainsi, le projet pilote la réalisation d’un ciment à faible taux de clinker soutient le recyclage de sous-produits (processus dit de cotraitement) susceptibles de permettre des réductions d’émissions dans ce domaine.


Sources :

-Dossier de presse COP28 Dubaï, émirats arabes uni - In:https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/20231129_DP_COP28.pdf
-COP28 : Les cinq points à retenir du somment climatique- In:
https://www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/les-cinq-points-a-retenir-de-la-cop28-151959.html
-Marché mondial du carbone – Tunisie – In : https://www.giz.de/en/worldwide/101861.html
-COP 28 : La délégation tunisienne ira appuyer la position du groupe Afrique et des pays les moins avancés- In: https://lapresse.tn/171513/cop-28-mounir-majdoub-economiste-et-consultant-en-politiques-du-developpement-durable-a-la-presse-la-delegation-tunisienne-ira-appuyer-la-position-du-groupe-afrique-et-des-pays-les-moins-av/
-COP28 : Questions et réponses. -In :https://www.hrw.org/fr/news/2023/10/30/cop28-questions-et-reponses#_Toc149850701
-COP 28 de Dubaï : Les engagements de la Tunisie d’ici 2030- In : https://lapresse.tn/174348/cop-28-de-dubai-les-engagements-de-la-tunisie-dici-2030/
-COP28 – CITET : les difficultés des entreprises vertes en Tunisie en débat- In : https://www.leconomistemaghrebin.com/2023/12/02/cop28-citet-les-difficultes-des-entreprises-vertes-en-tunisie-en-debat/


La version Pdf est téléchargeable via ce lien : Cliquez ici

Rédacteur en chef: Lobna ZOUAOUI, Ingénieur Data, Responsable  Veille Stratégique et Technologique
& Community Manager- veille@citet.nat.tn

Directeur de la publication adjoint: Noura KHIARI, Chef du Service Documentation, Information, Edition et Marketing- cdi1@citet.nat.tn

Directeur de la publication: Kmaira Ben Jannet, Directrice générale du CITET - dg@citet.nat.tn